Une nomenclature en refondation (2010-2016)

Alors qu’il ne comptait que 6 espèces et 3 variétés au début des années 1970, le genre Sclerocactus stricto sensu compte 7 espèces et 11 sous-espèces au début des années 2000 sous l’impulsion de l’infatigable et enthousiaste défenseur du genre qu’est Fritz Hochstätter. Sa recherche presque effrénée de particularismes et de différenciations est plus celle d’un naturaliste curieux, passionné et soucieux de préserver, que celle d’un botaniste de profession. C’est dans la revue bisannuelle Cactaceae-Review I.R.T., qu’il a créée en 1998 et qu’il consacre aux genres Pediocactus, Sclerocactus, Navajoa, Toumeya, que se trouve d’abord énumérée cette nCactaceae-review7omenclature éclatée en trois sections : Sclerocactus, Parviflori et Mesae-verdae (vol. 7-2004 à vol. 9-2006) :

  • Section Sclerocactus: y sont rangées nyensis, S. polyancistrus, S. pubispinus, S. spinosior  ssp. spinosior,  S. spinosior  ssp. blainei.
  • Section Parviflori: y sont rangées glaucus, S. parviflorus ssp. parviflorus, S. parviflorus ssp. variiflorus, S. parviflorus  ssp. macrospermus, S. parviflorus  ssp. terrae-canyonae, S. parviflorus  ssp. havasupaiensis, S. wrightiae, S. whipplei ssp. whipplei, S. whipplei ssp. azteciawhipplei ssp. buzekii.
  • Section Mesae-verdae: y sont rangées mesae-verdae, S. wetlandicus ssp. wetlandicus, S. wetlandicus ssp. ilseae (= S. brevispinus).

Cette nomenclature fait apparaître de nouvelles appellations variétales affectant les espèces parviflorus et whipplei ssp. whipplei. Une nomenclature comportant des appellations dont certaines semblent vouées à ne jamais être retenues, comme le souligne Gabriel Veres dans le précieux numéro spécial 2009 de la revue Kaktusy qu’il consacre au genre (Sclerocactus plants in cultivation). En section Parviflori et à propos de la ssp. macrospermus observée en Utah le long de la Green River, G. Veres relève que ces cactées apparaissent comme simples formes intermédiaires entre parviflorus et whipplei ssp. whipplei (tige plus volumineuse que l’espèce, graines de plus fort diamètre). La ssp. variiflorus est également jugée simple forme intermédiaire (forme et couleur des fleurs) entre parviflorus et whipplei ssp. whipplei. Même jugement encore pour S. whipplei ssp. aztecia rencontrée au Nouveau-Mexique (épines de plus faible taille que celles propres à S. whipplei ssp. whipplei). Seul intérêt de ces noms variétaux pour G. Veres : montrer des morphologies intermédiaires entre espèces, particulièrement entre S. parviflorus, S. whipplei ssp. whipplei ou encore S. spinosior ssp. spinosior.

C’est le cas par exemple de S. whipplei ssp. buzekii aux fleurs jaunes blanchâtres, proche de S. spinosior ssp. spinosior par sa couverture d’épines mais très proche aussi de Sclerocactus whipplei (voir Histoire du genre, « Kenneth D. Heil (période 1990-2010) », et souvent considérée comme espèce à part entière (mais non reconnue jusqu’aux années 1990) en raison de son aire de répartition restreinte (Flora of North America). Cette cactée a été rangée dans le genre en 1969 par Lyman D. Benson sous le nom de S. pubispinus var. sileri (Cacti of Arizona, ed.3, 23, 179). Elle a été ensuite élevée au rang d’espèce en 1994 sous le nom de S. sileri (K.D. Heil and J. M. Porter, Haseltonia, 2, 20-46).

Les noms de wetlandicus et de brevispinus présents dans la nomenclature de F. Hochstätter en section Mesae-verdae restent synonymes à ce jour de glaucus, selon David Hunt. Dans la nomenclature de ce dernier (The New Cactus Lexicon, 2006), le genre Sclerocactus au sens étroit du terme comptabilise 7 espèces (dont nyensis acceptée provisoirement) et 7 sous-espèces (dont intermedius, havasupaiensis, terrae-canyonae acceptées provisoirement, assimilées à S. parviflorus). Devant un tel écart, les nomenclatures élaborées par Hochstätter ne peuvent qu’être étudiées très attentivement par les experts officiant notamment pour la CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvage menacées d’Extinction). À ce jour, 5 taxons parmi les Sclerocactus stricto sensu sont à l’annexe I (S. glaucus, S. mesae-verdae, S. nyensis, S. pubispinus et S. wrightiae), les autres étant à l’annexe II.

HistoireSclero-Compar-nomencla

Or, depuis 2002 et à l’occasion des diverses sessions de travail du Comité pour les Plantes de cette CITES, les représentants des Etats-Unis d’Amérique ont exprimé le souhait que certaines espèces du genre Sclerocactus soient changées d’annexe afin de mieux assurer leur survie en milieu naturel. Lors de la 15ème session de ce Comité en 2005, ils ont aussi proposé et offert de revoir la nomenclature de ce genre compte tenu des évolutions que la recherche scientifique semblait apporter aux classifications d’espèces et sous-espèces toujours objets de débats. À ce jour, 5 taxons parmi les Sclerocactus stricto sensu sont à l’annexe I (S. glaucus, S. mesae-verdae, S. nyensis, S. pubispinus et S. wrightiae), les autres étant à l’annexe II. Par ailleurs, et compte-tenu de l’élargissement du genre suite aux résultats d’études phylogénétiques moléculaires de séquences d’ADN, 35 taxons de Sclerocactus au sens élargi (Ancistrocactus + Echinomastus + Toumeya) sont inscrits aux annexes CITES : 9 taxons à l’Annexe I et 26 taxons à l’Annexe II.

Aussi a t’il été rappelé à la session d’avril 2011 du Comité pour les Plantes (PC19 Doc 13.3) que «… L’autorité scientifique des Etats-Unis a chargé un consultant en botanique de réaliser un examen exhaustif de Sclerocactus à l’échelle de l’aire de répartition et en particulier un examen approfondi de la littérature, de la taxonomie, de l’aire de répartition géographique et de l’état dans la nature ». Et de préciser : « Les Etats-Unis estiment que ce travail sera terminé pour discussion à la 20e session du Comité pour les plantes ». C’est-à-dire pour mars 2013. Or, les résultats de cet examen sont toujours à ce jours reportés.

Lors de la 16ème session de la Conférence des Parties à Bangkok en mars 2013 (CP16 Doc 10.3.1), les Etats-Unis d’Amérique rapportent que l’examen de quinze espèces de Sclerocactus est en cours. Cet examen est appelé à couvrir une période de temps allant jusqu’à mars 2015 (dates prochaines de la 17ème session de la Conférence des Parties). Les quinze espèces en examen sont :

  • Sclerocactus (Ancistrocactus) brevihamatus
  • Sclerocactus (Echinomastus) erectocentrus
  • Sclerocactus glaucus
  • Sclerocactus (Echinomastus) intertextus
  • Sclerocactus (Echinomastus) johnsonii
  • Sclerocactus (Echinomastus) mariposensis
  • Sclerocactus mesae-verdae
  • Sclerocactus nyensis
  • Sclerocactus (Toumeya) papyracanthus
  • Sclerocactus parviflorus
  • Sclerocactus polyancistrus
  • Sclerocactus pubispinus
  • Sclerocactus (Ancistrocactus) scheeri
  • Sclerocactus sileri
  • Sclerocactus spinosior

On remarque que des espèces des genres Ancistrocactus, Echinomastus et Toumeya viennent intégrer le genre Sclerocactus, un genre Sclerocactus élargi. On note par ailleurs (et curieusement) que parmi les Sclerocactus stricto sensu, les espèces wetlandicus, whipplei et wrightiae ne sont pas citées et qu’il n’est pas fait mention des sous-espèces blainei, havasupaiensis, heilii, terrae-canyonae.

CITES – 22ème session du Comité pour les Plantes, octobre 2015

La 22ème session du Comité pour les plantes de la CITES qui s’est tenu à Tbilissi en Géorgie du 19 au 23 octobre 2015 a émis une proposition d’amendement soumise par les Etats-Unis d’Amérique et relative au genre Sclerocactus et ses espèces (PC22 Doc. 22.5).

D’une part, il s’agit de recommander le transfert de sept taxons endémiques de Sclerocactus de l’Annexe II de la CITES à son Annexe I (rappel : l’Annexe I de la CITES regroupe les espèces les plus menacées d‘extinction et dont le commerce international, en dehors de quelques exceptions très réglementées, est interdit). Les sept taxons concernés par ce transfert sont Sclerocactus blainei, cloverae, cloverae ssp. cloverae, cloverae ssp. brackii, parviflorus ssp. havasupaiensis, parviflorus ssp. terrae-canyonae, et sileri. Ces taxons représentent des petites populations dont la diminution ne cesse d’être observée. Les spécimens dans la nature se raréfient. De plus, ces populations se trouvent dispersées sur des territoires eux-mêmes restreints et leur habitat s’y dégrade. Autant de critères motivant ce nouveau classement.

D’autre part, il s’agit de modifier un certain nombre de noms et désignations d’espèces ou taxons du genre Sclerocactus encore en vigueur ou utilisés au sein des listes et classements de la CITES. Plusieurs taxons ont vu leur désignation se modifier suite à une situation taxonomique qui a évolué au fil des années. Il s’agit, pour ce qui concerne les Sclerocactus stricto sensu :

  • de Sclerocactus brevispinus et Sclerocactus wetlandicus. Les résultats des travaux concernant ces taxons, menés au niveau de la recherche morphologique et génétique, ne permettent plus de les assimiler à l’espèce glaucus comme cela était encore le cas au début des années 2000 ;
  • de Sclerocactus whipplei busekii qui perd son statut de sous-espèce (ssp.). Ce taxon est dorénavant non valable et doit être considéré comme simple synonyme de Sclerocactus whipplei.

Le transfert des espèces citées précédemment de l’Annexe II à l’Annexe I de la CITES est une nouvelle alerte sur le malheureux possible « devenir » de ces cactées. Celles-ci viennent désormais grossir les rangs des espèces végétales les plus menacées d’extinction. Mais tout aussi important est le fait que certains de ces taxons acquièrent par cette éligibilité un statut reconnu (d’espèce ou de sous-espèce) au sein du genre Sclerocactus (stricto sensu). Ceci même si le nom attribué à certains de ces taxons n’est pas le meilleur qu’il soit.

Sclerocactus havasupaiensis (collecté le 26 avril 1941) a été décrit la toute première fois en tant qu’espèce en 1942 par Elzada U. Clover, dans l’American Journal of Botany (29(2) :172-173), description publiée sous les noms respectivement (fleurs blanchâtres et fleurs variante rose) d’Echinocactus havasupaiensis et d’Echinocactus havasupaiensis var. roseus, avant d’être ramené au rang de sous-espèce, S. parviflorus subsp. havasupaiensis (Clover) Hochstätter (Succulenta (Netherlands) 74: 38. 1995). Ce taxon se trouve confiné dans une aire de répartition très isolée, limitée à une zone géographique difficilement accessible au sud du Parc National du Grand Canyon. Par ailleurs et morphologiquement, il se caractérise le plus souvent par le port de cinq épines centrales (1 abaxiale + latérales) terminées par une pointe en hameçon, et par des fleurs de couleur blanche à jaune blanchâtre. Sclerocactus parviflorus ssp. havasupaiensis pourrait être considéré comme espèce à part entière et porter le nom de Sclerocactus havasupaiensis.

Sclerocactus cloverae ssp. brackii est un taxon qui mériterait de bénéficier d’études plus poussées. En dehors de son aire de répartition particulière et très restreinte (Bloomfield environs, NM), ce taxon montre déjà plusieurs caractéristiques (Sclerocactus (Cactaceae) : A Revision, Kenneth D. Heil & J. Mark Porter, Haseltonia, 2, 1994, pp20-46) qui pourraient à terme le faire passer du rang de sous-espèce à celui d’espèce :

  • sur brackii, des épines centrales (4 le plus souvent) moins nombreuses que celles observables habituellement (8 le plus souvent) sur les spécimens de Sclerocactus cloveriae (ssp. cloveriae) ;
  • sur brackii, l’absence très souvent d’épine centrale abaxiale (la plus basse qui pointe de manière perpendiculaire à l’axe de la tige). Lorsqu’elle existe sur brackii, elle ne dépasse pas les 3 cm pour atteindre 4 à 5 cm sur les spécimens de Sclerocactus cloveriae (ssp. cloveriae) ;
  • sur brackii, l’épine centrale adaxiale (érigée et pointant vers le haut de la tige, dans l’axe de celle-ci) est plus courte que celle portée par les spécimens de Sclerocactus cloveriae (ssp. cloveriae) ;
  • sur brackii, les épines radiales sont plus nombreuses (le plus souvent 5 à 6) que sur les spécimens de cloveriae (4) ;
  • sur brackii, la petite hauteur des tiges (5 à 6 cm) comparée à celle des cloveriae (11 cm). Une dimension plus petite que les spécimens conservent longtemps comme si leur pousse végétative se trouvait stoppée.
  • sur brackii, une floraison intervenant alors que les spécimens montrent une petite taille et un aspect nettement juvénile (avec une couleur de fleur pourpre identique à celle des Sclerocactus cloveriae (ssp. cloveriae)).

Pour certains botanistes, Sclerocactus parviflorus ssp. terrae-canyonae n’est pas une véritable sous-espèce, encore moins une espèce. C’est un hybride entre Sclerocactus parviflorus et Sclerocactus whipplei qui semblait exister bien avant que les territoires autour du Glen Canyon (où se rencontre terrae-canyonae) aient été profondément bouleversés par son inondation. L’aire de répartition de ces spécimens à fleurs jaunes s’en est trouvée bien évidemment réduite. A présent, ces spécimens ne se rencontrent qu’à des niveaux d’altitude qui, à l’origine, représentaient des zones limites à son implantation. Une étroitesse de territoires observée et mise en avant par la CITES pour contribuer, avec d’autres critères, à faire passer ce taxon en Annexe I.

Sclerocactus sileri et Sclerocactus blainei occupent en petits nombres dispersés des zones de répartition suffisamment restreintes pour nécessiter (« mériter ») leur inscription à cette Annexe I. En résumé, et même si la désignation utilisée ou choisie pour certains de ces taxons peut prêter à discussion, il est heureux que la CITES prenne en compte la véritable situation naturelle, situation in habitat, de tous ces taxons. Cette Proposition d’Amendement pour Sclerocactus spp. est susceptible d’être examinée à la 17eme session de la Conférence des Parties (Cop17) qui devrait se tenir à Johannesbourg, Afrique du Sud, en septembre / octobre 2016.

A suivre…

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