Les épines des Sclerocactus : Clé de détermination

La pubescence des épines juvéniles des espèces pubispinus, spinosior et blainei, peut être considérée, à la suite de ce qui précède, comme un attribut morphologique commun à l’histoire évolutive de ces cactées. Elle suggère un lien notable de parenté (Sclerocactus pubispinus (Engelmann) L. Benson in Kaktusy 2001, vol. 37, n° 1). Mais un autre aspect tenant à leur couverture d’épines les réunit. Ces espèces montrent aussi des épines centrales adaxiales toujours à section plate, plus ou moins papyracées, plus ou moins torsadées, et de couleur blanche (mais également parfois grisâtre sur blainei). Ces espèces ont par ailleurs des zones de répartition contiguës et toutes situées (confinées) dans le quart nord-ouest de la zone de distribution du genre Sclerocactus (stricto sensu), toutes espèces confondues. Sclerocactus pubispinus, spinosior et blainei, sont des espèces du désert du Grand Bassin. Leurs zones de répartition occupent une partie du pourtour oriental de ce désert, les parties basses et les plus sèches de son relief en basin and rangeEpines Desert-GdBassin

Sclerocactus nyensis peut entrer dans ce groupe. Cette espèce porte aussi une épine centrale adaxiale blanche à section plate et très érigée, mais elle est droite ou légèrement arquée, jamais torsadée. Cette espèce croit plus ou moins en limite d’influence des déserts du grand Bassin et du Mojave, mais semble davantage se tenir dans l’écosystème du désert du Grand Bassin. Lorsque vous vous dirigez vers le nord sur la route US 95 et arrivez à Goldfield (Nevada) en laissant derrière vous la Vallée de la Mort et le désert de Mojave, les emblématiques Yucca brevifolia du désert de Mojave sont de moins en moins nombreux mais encore présents, çà et là, dans le paysage. Il faut encore parcourir 30 à 40 kilomètres plus au nord vers Tonopah et plus à l’est vers Silver Peak pour ne plus en voir et être alors à proximité des premiers spécimens de Sclerocactus nyensis. Mais il est vrai que, localement, on se trouve en frontière avec la limite septentrionale d’influence du désert de Mojave. Et la couverture d’épines de Sclerocactus nyensis présente aussi quelques ressemblances avec celle de Sclerocactus polyancistrus dont l’aire de répartition se limite au désert de Mojave. Elles sont les deux seules espèces du genre à montrer des épines radiales à section plate. Leurs épines centrales abaxiales sont quasi similaires en couleur, rougeâtre à brun rougeâtre, de même que leurs épines adaxiales à section plate, de couleur blanche. Epines Desert-Mojave

Peut-on rapprocher d’autres espèces du genre Sclerocactus (stricto sensu) sur la base de caractéristiques communes à leur couverture épineuse ? En regroupant les zones de distribution des espèces dont les épines centrales abaxiales et adaxiales sont uniquement à pointe droite, on s’aperçoit que celles-ci, contiguës, forment également une aire géographique délimitée. S’y retrouvent Sclerocactus glaucus (ouest Colorado), Sclerocactus wetlandicus et Sclerocactus brevispinus (Bassin Uinta) ainsi que Sclerocactus mesae-verdae (Nouveau-Mexique). Une aire qui s’étend du nord-est de l’Utah (Bassin Uinta) jusqu’aux limites du Plateau du Colorado, à l’extrême nord-est du Nouveau Mexique. Elle est adossée à l’est (Colorado) aux contreforts des Montagnes Rocheuses et rejoint à l’ouest, en Utah, l’aire de répartition de Sclerocactus wrightiaeEpines Uinta-PColorado

Sclerocactus wrightiae est une espèce un peu à part avec une zone de distribution isolée. C’est une espèce très proche de Sclerocactus mesae-verdae, notamment par ses épines d’assez courte dimension. Mais elle porte une épine centrale abaxiale à pointe terminée en hameçon. Pour Lyman D. Benson, Sclerocactus wrightiae est une espèce « proche à la fois de Sclerocactus mesae-verdae et de Sclerocactus whipplei, et constitue un lien qui les unit « (The Cacti of the United States and Canada, Stanford University Press, 1982, p. 734).

En dehors de Sclerocactus parviflorus dont l’aire de répartition est très vaste, les espèces du genre qui porte à la fois une épine adaxiale puissante nettement érigée et une forte épine abaxiale à pointe en hameçon se retrouvent aux limites sud du Plateau du Colorado et sur le Plateau de l’Arizona. Sclerocactus whipplei et Sclerocactus cloverae montrent une même teinte d’épine abaxiale, brun rougeâtre à pourpre. L’une et l’autre de ces épines abaxiales qui sont de forte section et longues jusqu’à 4,5 cm, se terminent par une pointe nettement crochue. Epines Plat-Arizona

Sclerocactus whipplei possède une épine centrale adaxiale plate et très érigée. Elle est remarquable par sa taille (peut dépasser les 6 cm) et par sa forme : à l’image d’une dague lorsqu’elle est droite ou à l’image d’une lame de sabre lorsqu’elle est légèrement courbée.  Sclerocactus cloverae montre une épine centrale adaxiale légèrement plus courte (5 à 5,5 cm de long) dont la section n’est pas plate mais triangulaire, ce qui est apparemment unique dans le genre (Flora of North America). Sclerocactus sileri présente aussi une épine centrale abaxiale avec une pointe crochue. Mais la teinte brun rougeâtre à pourpre, que cette épine peut montrer dans sa phase juvénile, s’estompe très rapidement pour devenir grisâtre à blanchâtre. Comme pour Sclerocactus whipplei, l’épine centrale adaxiale érigée et fortement aplatie de Sclerocactus sileri se remarque immédiatement au premier regard. D’une manière générale, la couverture épineuse de Sclerocactus sileri rappelle celle de Sclerocactus whipplei, ces deux espèces montrant par ailleurs des couleurs de fleurs identiques.

A partir de l’observation d’un certain nombre d’épines parmi les plus reconnaissables et remarquables de leur couverture épineuse, on vient de voir qu’il était possible de différencier et de regrouper de manière approximative les espèces de ce genre Sclerocactus (stricto sensu) selon de vastes écosystèmes et aires géographiques. Ces regroupements semblent témoigner de populations de plantes dont les individus ont donné lieu à diverses spéciations à un moment donné de leur évolution. Parce qu’elle était liée à leur survie, cette évolution a impliqué des adaptations morphologiques affectant, entre autres, nombre, forme et dimension des épines. Des épines prises aujourd’hui comme signes de reconnaissance pour marquer des différences et orienter la constitution de groupes au sein de ce genre Sclerocactus (stricto sensu)whipplei-1280 2014

D’une manière générale, les épines ont toujours été des critères morphologiques utilisés par la science botanique dans les clés de détermination des cactées. Examinées en tant que telles, elles représentent des attributs morphologiques assez répandus et donc assez pauvres. Mais, au sein d’un genre, en combinant leur morphologie avec leur arrangement sur les aréoles, puis en les associant avec d’autres caractères ou attributs, elles peuvent servir de critères structurants pour élaborer des clés de détermination. Des critères qui peuvent s’appliquer à des plantes juvéniles comme à des plantes matures.

Dans l’ouvrage « The Cacti of the United States and Canada (Stanford University Press, 1982), la première clé de détermination présentée par Lyman D. Benson des huit espèces (et deux variétés) rangées à l’époque dans le genre Sclerocactus repose principalement sur les épines puis sur les fruits. D’autres critères viennent s’y ajouter mais, au départ, c’est bien le caractère épine qui « démarre » la détermination. Ainsi, la présence d’une épine centrale avec pointe droite lui sert de premier critère pour définir, avec quelques autres caractères, Sclerocactus glaucus. La présence (ou l’absence) habituelle d’épine centrale, notamment en position basse sur l’aréole et terminée cette fois, non pas par une pointe droite mais par une pointe en hameçon, lui sert de critère suivant qui va être décliné avec le critère fruit portant habituellement (ou ne portant pas) d’écailles. Si l’espèce ne montre pas d’épine centrale et porte des fruits sans écaille, il s’agira de Sclerocactus mesae-verdae. Si l’espèce dispose au contraire d’une ou plusieurs épines centrales mais porte encore des fruits sans écaille, il s’agira de Sclerocactus wrightiae.

La suite de la détermination des espèces du genre va se poursuivre à partir du critère fruit porteur cette fois-ci d’écailles (au moins de quelques écailles). Elle va s’appuyer, une fois encore, sur la présence (sur plantes matures) d’une ou plusieurs épines centrales à pointe terminée en hameçon. Si plusieurs de ces épines sont systématiquement observées, il s’agira de Sclerocactus polyancistrus. Si une seule épine centrale avec pointe en hameçon est observée, d’autres critères tels le type d’ouverture du fruit, la couleur de cette épine centrale, les forme, longueur et diamètre des boutons floraux, vont décliner avec quelques autres l’identification des autres espèces du genre : parviflorus, pubispinus, spinosior, whippleicloverae-0882-2014

En 2004 et 2005, dans la revue Cactaceae-Review I.R.T. qu’il a créé, Fritz Hochstätter utilise aussi des critères de détermination basés sur les épines pour distinguer les espèces du genre Sclerocactus. Les différentiations morphologiques qu’il observe sur quelques-unes d’entre elles, notamment parviflorus et whipplei, l’amène à décliner des critères au sein d’une nomenclature éclatée en trois sections, Sclerocactus, Parviflori, Mesae-verdae (vol. 7-2004 à vol. 9-2006). Au sein de sa section la plus large, Parviflori, les critères relatifs à la couverture d’épines sont énumérés dès le début de la déclinaison : « Couverture d’épines pubescentes » (Juvenile spination pubescent), « Couverture d’épines glabres tout au long du cycle de vie de la plante » (Spination glabrous throughout the plant’s lifecycle). Mais cette nomenclature en trois sections ne simplifie pas la compréhension du genre et accumule par ailleurs des noms variétaux qui ne seront jamais retenus. Avec le recul du temps, cette nomenclature et ces noms variétaux ont cependant le mérite de faire apparaître des morphologies intermédiaires entre certaines espèces du fait de leur large répartition géographique et du fait également d’une hybridation entre quelques-unes d’entre elles dont l’ampleur à l’époque commençait tout juste à être évaluée et étudiée.

La clé de détermination ci-dessous des 14 espèces (+ 3 sous-espèces) du genre Sclerocactus (stricto sensu) s’appuie sur celle publiée par Kenneth D. Heil et J. Mark Porter en 1994 dans leur article Sclerocactus (Cactaceae) : a revision (revue Haseltonia, 2 :22-23). A cette époque, la clé de ces botanistes faisait suite à celle établie en 1982 par Lyman Benson. Elle comportait un grand nombre de critères et, comme celle de Benson, elle démarrait sa déclinaison par les critères épine centrale et fruit. Ces mêmes critères de départ, épine centrale et fruit, sont ici déclinés sans toutefois reprendre dans leur intégralité tous les autres critères très nombreux utilisés par Heil et Porter. Seuls les plus structurants d’entre eux sont repris. CleRepartSclero4

Les taxons Sclerocactus cloverae ssp. brackii, Sclerocactus parviflorus ssp. havasupaiensis, et Sclerocactus parviflorus ssp. terrae-canyonae, ont été inserrés au mieux dans cette déclinaison. Alors que ces taxons faisaient l’objet de plusieurs lignes de commentaires dans leur article, la clé de détermination de Heil et Porter ne désignait cependant et nommément que les espèces du genre. Le taxon Sclerocactus wetlandicus a, lui aussi, été ajouté. A l’époque, pour ces botanistes, ce nom encore tout récent donné par Fritz Hochstätter (Succulenta (Netherlands), 68: 123, 1989) ne faisait que désigner les spécimens de Sclerocactus glaucus rencontrés en Utah, par comparaison avec les Sclerocactus glaucus observés au Colorado voisin.

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