Sclerocactus wrightiae, San Rafael Swell, Utah

Il arrive parfois de rencontrer des spécimens de Sclerocactus en piteux états, saccagés, morts. Les causes peuvent être multiples. Une plante parvenue tout simplement à sa fin de vie, la destinée de tout organisme vivant. Une blessure fatale infligée par le sabot d’une bête à cornes pâturant en open range. L’action d’animaux fouisseurs capables de déterrer de petites plantes pour accéder à l’humidité contenue dans leur tige ou dans leurs racines. Ou encore les dévastations d’insectes ravageurs, tel le scarabée foreur Moneilema semipunctatum à l’origine de multiples dégâts sur de nombreuses cactées, en particulier des Sclerocactus. On pourra sur ce dernier point se reporter utilement à l’article toujours d’actualité de la botaniste Dorde Wright Woodruff, The cactus and the beetle, paru en 2010 dans la revue Segolily, Newsletter of the Utah Native Plant Society.wrightiae0109-2009

Les tissus de la tige de ces cactées moribondes sont très vite desséchés par l’air sec, les vents incessants, le soleil, avant d’être réduits en poussière. Reste la couverture d’épines, à l’image ci-dessus de ce vestige de Sclerocactus wrightiae photographié en avril 2009 aux abords de la barrière rocheuse du San Rafael Reef. La plante vidée de ses tissus a vu ses épines désormais inutiles s’entrecroiser pour former un espace grillagé, une cage désuète traversée par le souffle du vent et la lumière du soleil. A l’intérieur, le vide le plus souvent, à moins qu’une araignée opportuniste y ait élu domicile. Provisoirement. Car ce fragile enchevêtrement est immanquablement appelé à très vite s’écrouler. parviflorus442-2009

Dans une ultime étape, il arrive que Dame Nature conserve à la surface du sol une coupe transversale « à ciel ouvert » d’une tige et de sa structure interne. Une empreinte qu’il est rare de voir, car appelée elle aussi à très vite disparaître. La photographie ci-dessus permet de mener une rapide autopsie. Au plus près du cercle d’épines se trouve la partie la plus large, la plus épaisse de la tige. S’y concentrait son mucilage, masse de cellules en charge de stocker l’eau et composées de glucides. C’était le cortex parenchymateux. Le centre de la tige est occupé par un cercle aux épaisses parois, ici de couleur plus claire très visible. Cet ensemble assurait la circulation de la sève dans la plante. Ces parois sont les restes de fibres de xylème et de phloème qui entouraient et protégeaient la moelle, masse des tissus cellulaires centraux.

C’est à proximité de ces vestiges qu’il faut chercher les générations nouvelles. Leur présence  au plus près des restes de leurs plantes mères peut s’expliquer morphologiquement. La situation apicale des tubes floraux des Sclerocactus positionne les fruits au sommet de leurs tiges. Ces fruits, une fois séchés sur la plante, voient leur fragile enveloppe se déchirer et s’entre-ouvrir. Sur les Sclerocactus wrightiae, la déchirure de l’enveloppe des fruits se produit horizontalement à leur base ou à proximité de leur base. Ce phénomène appelé déhiscence conduit à une libération des graines qui sont dispersées le plus souvent par l’eau et le vent.

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Très souvent cependant, certaines de ces graines sont immédiatement coincées dans l’enchevêtrement d’épines qui protègent le haut de la tige et l’apex. Si pluies et vents vont être effectivement les plus sûrs moyens de leur dispersion, quelques-unes de ces graines peuvent rester entravées et bloquées au sommet des plantes, à la base des épines. Et ne se trouver libérées que lors d’une issue fatale. Une nouvelle génération peut alors apparaître si le pouvoir germinatif de ces graines le permet. Sur la photographie ci-dessus prise également dans le désert de San Rafael, un spécimen de Sclerocactus wrightiae déterré à côté duquel on découvre une tige juvénile, à peine plus large qu’une pièce de 1 cent américain (Ø = 1,9 cm). wrightiae0053-2009

Le plus surprenant est que cette cactée encore bien juvénile ait pu passer ses toutes premières années au milieu de nulle part, sur un sol ras, bien loin d’une plante protectrice sous le couvert de laquelle il n’est pas rare de trouver de telles cactées, protégées du vent et surtout d’un soleil brûlant au cours de leurs plus jeunes années. Voilà un spécimen pour le moins déjà bien préparé à affronter les affres et les tourments du désert.

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