Sclerocactus (stricto sensu) et noms vernaculaires

Partie 1/3

En taxonomie végétale, chaque plante est désignée par un nom dit binomial (formant un binôme) résultant de l’association de deux termes, un genre et une espèce. C’est un nom propre à la science botanique. Parallèlement à ce nom scientifique existe pour la plupart des plantes, celles notamment que l’homme est appelé à côtoyer dans sa vie de tous les jours, un nom commun appelé nom vernaculaire (issu du latin vernaculus, domestique, indigène). Si certaines plantes et parmi elles quelques cactées ne possèdent pas de nom vernaculaire, d’autres en possèdent plusieurs.

Un nom vernaculaire ou nom commun donné à une plante est un nom populaire, fréquemment ou habituellement utilisé pour la désigner. C’est d’abord un nom local exprimé dans la langue utilisée dans le pays où se rencontre cette plante. Sur la base de mots le plus souvent descriptifs ou se rapportant souvent au vécu, ce nom peut couvrir multiples domaines : sa morphologique (couleur de fleur), l’utilisation que l’homme en a fait ou peut en faire (plante médicinale, gustative ou toxique), un trait notable de son territoire, ou plus simplement sa localisation, et bien d’autres aspects encore comme, par exemple, sa symbolique. Car ce nom vernaculaire peut aussi prendre la forme d’une appellation imagée qui va populariser et propager de manière simple une analogie attachée à la plante concernée, à la manière d’une métaphore.

Avant de passer en revue les noms vernaculaires des Sclerocactus (stricto sensu), rappelons que ce nom de genre botanique est issu des mots grecs sklêros, dur, cruel, et kaktos, chardon, qu’il a été créé par les botanistes américains Nathaniel L. Britton (1859-1934) et Joseph N. Rose (1862-1928), et qu’il apparait pour la première fois dans leur monumental ouvrage intitulé The Cactaceae (1). Ne s’y trouvent rangées à l’époque que deux espèces, Sclerocactus whipplei et Sclerocactus polyancistrus, décrites depuis 1856, toutes deux caractérisées par des épines nombreuses et impressionnantes. 

Toutes espèces confondues, le nom de genre lui-même, Sclerocactus, est essentiellement désigné par les noms vernaculaires d’Eagle-claw cactus et de Fishhook cactus. La première appellation parle de cactus griffe d’aigle et la seconde de cactus hameçon. Ces deux noms communs sont anciens et trouvent leur origine dans le fait que les deux espèces whipplei et polyancistrus, porteuses d’impressionnantes et nombreuses épines à pointes crochues, se sont trouvées longtemps les seules à être rangées dans le genre. Plus précisément, ces noms illustrent de manière imagée la courbure observée à l’extrémité de ces épines, courbure quasi identique à celle que montrent des griffes d’aigle ou un hameçon. A noter que dans l’index des noms communs de son ouvrage Cacti of the Southwest (2), W. Hubert Earle mentionne pour le genre Sclerocactus celui de Devil Claw cactus, cactus griffe du Diable.

Les cactées qui montrent des épines à pointe crochue ne se rencontrent pas uniquement parmi  les Sclerocactus. Les Ferocactus, par exemple, portent des épines à pointe crochue bien plus puissantes et spectaculaires. Mais les noms vernaculaires qui les désignent évoquent l’aspect le plus remarquable et étonnant de leur aspect, l’imposant volume (en diamètre et hauteur) que peut prendre leur tige au fil des ans : Barrel cactus, cactus barrique, cactus tonneau, ou encore bisnaga, tube. Cela même si quelques espèces du genre se voient attribuer dans une certaine littérature des appellations qui se référent aussi à leurs épines : par exemple, Crow’s Claw Cactus pour les Ferocactus latispinus ou Fishhook Barrel Cactus pour les Ferocactus wislizeni.

L’appellation de Fishhook cactus désigne non seulement des espèces du genre Sclerocactus, mais aussi celles des genres Echinomastus et Mammillaria dont un certain nombre d’épines, essentiellement centrales, montrent aussi des pointes crochues en forme d’hameçon.

On rencontre aussi à propos des Sclerocactus le nom très évocateur de Pineapple cactus, cactus ananas. Mais, dans un certain nombre d’ouvrages vulgarisateurs destinés à faire découvrir une région (3) ou une flore (4) qui abritent certains spécimens de Sclerocactus, la référence à ce fruit exotique ne doit pas être prise pour un véritable nom vernaculaire. L’image ne sert qu’à représenter la forme la plus proche de celle que montre habituellement et au state adulte la tige de ces cactées (5). 

Appliquée à des cactées de petite taille dont la forme de la tige rappelle effectivement celle d’un ananas, Pineapple cactus est d’ailleurs largement utilisée pour nommer différentes espèces de cactus. Cette appellation est alors complétée d’un autre terme afin de distinguer au mieux chaque cactée concernée, ce qui devrait permettre éventuellement de s’y retrouver si une nomenclature qui se voudrait exhaustive des noms vernaculaires des plantes succulentes et des cactées pouvait exister. Ainsi, par exemple, Pima pineapple cactus désigne Coryphanta robustispina, en particulier la sous-espèce scheeri très protégée dans le comté de Pima, en Arizona, où elle se rencontre. Pineapple est aussi le terme utilisé pour des espèces du genre Echinomastus, genre désormais rangé dans le genre Sclerocactus élargi. Ainsi, Redspine pineapple cactus ou Sonora pineapple cactus désignent les Echinomastus erectocentrus, alors que Johnson’s pineaple cactus désigne les Echinomastus johnsonii.

Dans quelques autres ouvrages vulgarisateurs, on peut noter que la notion de little barrel, petite barrique, est utilisée dans le même but de représenter la forme  – ou une autre forme – jugée la plus proche de celle que montre la tige de petites cactées. Ainsi, à titre d’exemples, on peut rencontrer Common little barrel cactus qui désigne Sclerocactus parviflorus, Great Basin little barrel cactus qui s’applique à Sclerocactus pubispinus, alors que le nom commun retenu pour Sclerocactus spinosior est Spiny little barrel cactus (6).

On a vu que les références véhiculées par les noms vernaculaires pouvaient être multiples. Les noms vernaculaires ou noms communs qui désignent habituellement les espèces du genre Sclerocactus (stricto sensu) sont de trois sortes : soit ils désignent l’une des plus remarquables particularités de leur morphologie, soit ils reprennent le nom de leur découvreur, soit enfin ils rappellent le nom géographique où leurs spécimens peuvent s’observer d’une manière endémique.

Sclerocactus whipplei

Deux appellations désignent Sclerocactus whipplei : Whipple fishhook cactus – formulée parfois Whipple’s fishhook cactus -, le cactus hameçon de Whipple, et Whipple’s devil’s claw cactus, le cactus griffe du diable de Whipple. 

Ces deux appellations vernaculaires, les seules connues pour cette espèce, font référence au Lieutenant Amiel Weeks Whipple (1818-1863) qui va diriger une des expéditions chargées de déterminer un tracé ferroviaire entre le Mississipi et la côte Ouest des Etats-Unis et durant laquelle est découverte cette cactée (7). Dans son rapport, l’un des célèbres botanistes de l’expédition, le Dr George Engelmann (1809-1884), explique : « Cette espèce a été découverte dans Lithodendrow Creek, près de la Colorado Chiquito à environ 90 miles (145 kms) à l’ouest de Zuni, dans des plaines sablonneuses, les 3 et 4 décembre 1853. Au début, seuls des spécimens morts ont été trouvés, puis des juvéniles vivants ont ensuite été collectés… Nous avons nommé cette très jolie espèce en l’honneur du capitaine A. W. Whipple, l’entreprenant et talentueux commandant de cette expédition » (Plus de détails : Histoire du genre, N.L. Britton et J. N. Rose (période 1922-1950).

L’espèce whipplei est la première du genre Sclerocactus à avoir été découverte. L’espèce polyancistrus va être découverte l’année suivante lors de la même expédition du Lieutenant Whipple, « sur des collines rocailleuses et des plaines sablonneuses, à la source de la Mojave, sur le versant oriental de la Cordillère California, à une journée de voyage avant d’atteindre le col Cajon. Cette espèce élégante et surprenante a été collectée le 15 Mars 1854, avec de jeunes bourgeons floraux ». On peut imaginer que les premiers regards portés sur cette cactée alors inconnue ne pûrent qu’être surpris par sa multitude d’épines enchevêtrées et ses très nombreuses épines à pointe en hameçon. On va alors lui donner le nom de polyancistrus, nom dérivé du grec ancistro (en forme d’hameçon, de crochet) précédé de poly en raison de son grand nombre d’épines.

Sclerocactus polyancistrus

 L’espèce se voit surtout désignée par des noms qui, reprenant les références à la griffe d’aigle et à l’hameçon utilisées pour le genre, y associent le nom de son (unique) habitat, le désert de Mojave : Mojave fishhook cactus (8), Mojave devil’s claw cactus ou encore Mojave eagle-claw cactus (9). 

Deux noms font plus spécifiquement référence à la toison d’épines de ces polyancistrus. A côté de Red-spined fishhook cactus qui fait référence à ses six à huit épines centrales abaxiales de couleur rouge à brun rougeâtre, avec pour la plupart leur pointe terminée en forme d’hameçon, on rencontre aussi le nom très peu répandu de Many-spined Devil cactus, cactus Diable aux nombreuses épines (10).

Plus répandu et plus proche d’une réalité observée sur le terrain, le nom vernaculaire très évocateur de Hermit cactus, cactus ermite (11) (12), témoigne de la difficulté certaine à rencontrer cette cactée dans son milieu naturel. Plus précisément, ses spécimens qui ne sont pas rares sont le plus souvent solitaires, dispersés, éloignés les uns des autres. Après en avoir trouvé un dans son habitat, il faut le plus souvent arpenter beaucoup de terrain pour en découvrir d’autres.

(Suite 2/3)

Sclerocactus pubispinus 

La découverte de ce qui deviendra Sclerocactus pubispinus ne fait pas l’objet d’informations aussi précises que celles relatives aux deux précédentes cactées. Il semble que les premiers spécimens sont trouvés le 9 mai 1859 au Nevada, dans le secteur de Pleasant Valley, comté de White Pine, une vallée à cheval entre les deux États du Nevada et de l’Utah. Mais les spécimens alors trouvés ne sont pas jugés suffisamment significatifs. Les premières descriptions n’étant pas probantes, elles ne sont pas retenues. Dans leur ouvrage The Cactaceae, Britton et Rose qui mentionnent son nom, ne tiennent pas compte de cette cactée qui bien plus tard (en 1966 !) deviendra Sclerocactus pubispinus (13). Le nom pubispinus est dérivé des mots latins pubes, poil, et spina, épine, en référence aux épines juvéniles pubescentes caractéristiques de l’espèce. 

Aussi, tout en reprenant l’imagerie de la griffe d’aigle et de l’hameçon propre au genre, les noms vernaculaires désignant cette espèce pubispinus se limitent à la reprise du nom du vaste  désert du Grand Bassin, à l’Ouest des Etats-Unis, où elle se rencontre : Great Basin fishhook cactus, cactus hameçon du Grand Bassin, et Great Basin eagle-claw, cactus griffe d’aigle du Grand Bassin.

 

Sclerocactus spinosior

Les noms vernaculaires attachés à cette espèce sont étroitement liés à sa découverte et à sa première description. Il y a d’abord la découverte de spécimens de cactus morts dont les vestiges sont réduits à leur couverture d’épines, lesquelles retiennent encore des restes floraux et des graines. Cette découverte a lieu en 1859 « in Desert Valley, west of Camp Floyd », lors d’une expédition d’explorations dans le désert du Grand Bassin en Utah (14). Il y ensuite la description de cette nouvelle espèce sous le nom d’Echinocactus whipplei, var. spinosior en 1863 (15), car l’analyse attentive de ces restes de cactus s’avère d’autant plus précise qu’ils rappellent fortement au botaniste attaché à l’expédition, le Dr. George Engelmann, plusieurs aspects morphologiques de spécimens qu’il a lui-même observé lors d’une précédente expédition en 1854, et qu’il a décrit deux ans plus tard sous le nom d’Echinocactus whipplei

Cette espèce Echinocactus whipplei, var. spinosior va être renommée Sclerocactus spinosior en 1976 par les botanistes américains Dorde Woodruff et Lyman D. Benson (16). Les deux principaux noms vernaculaires qui la désignent sont Engelmann fishhook cactus, cactus hameçon d’Engelmann, et Desert Valley fishhook cactus, cactus hameçon de Desert Valley (6). Un troisième nom, moins répandu, peut se rencontrer, Spinier devil claw cactus, cactus griffe d’aigle épineuse (17).

 

Sclerocactus glaucus, Sclerocactus wetlandicus, Sclerocactus brevispinus

Il convient de traiter ensemble ces trois Sclerocactus afin de mieux appréhender d’abord la situation qui pouvait les unir, ensuite les évènements qui ont amené à les différentier en tant qu’espèces, des différences prises en compte par leurs noms vernaculaires.

Publiée en 1898 sous le nom d’Echinocactus glaucus, la première description détaillée de cette espèce revient au botaniste Karl Moritz Schumann (1851-1904) (18). Britton et Rose en font mention dans leur ouvrage (1). Cependant, n’ayant pas vu de spécimen type, ces derniers  ne retiennent pas cette description et ne rangent donc pas l’espèce dans leur nouveau genre Sclerocactus. D’autres spécimens vont être trouvés par la suite et il faut attendre les travaux du botaniste Lyman D. Benson pour que cette espèce glaucus, comme pour S. pubispinus, se trouve rangée en 1996 dans le genre (19).

La particularité de cette espèce est de ne porter aucune épine à pointe crochue, pas même les épines dites centrales, mais seulement des épines à pointe droite. Jusqu’au début des années 1990, on estime que sa zone de répartition couvre l’ouest et le nord-ouest du Colorado ainsi que le nord-est de l’Utah. Ainsi, tout en désignant tous les spécimens de Sclerocactus portant des épines à pointe droite dans ce vaste secteur, Sclerocactus glaucus est à l’époque connue sous le nom vernaculaire d’Uinta Bassin hookless cactus, cactus sans crochet du Bassin Uinta (20). Un nom vernaculaire qui va bientôt désigner une autre espèce dans le genre. Pour cela, il faut attendre la fin des années 1990 et le début des années 2000.

D’une part, et après des recherches effectuées dans ce vaste territoire du Bassin Uinta, de nouvelles descriptions de cactées sont publiées en 1989 par le naturaliste allemand Fritz Hochstätter sous le nom de Sclerocactus wetlandicus (21), puis en 1993 sous le nom de Sclerocactus wetlandicus, var. isleae (22), avant que ces derniers soient renommés Sclerocactus brevispinus en 1994 par Kenneth D. Heil et J. Mark Porter (23).

D’autre part, le genre Sclerocactus voit s’ouvrir au début des années 2000 un nouveau chapitre de son histoire à la suite de l’avancée des recherches génétiques appliquées à la botanique. Alors que certaines recherches se sont intéressées au genre Sclerocactus (24), d’autres portent plus spécifiquement sur le taxon Sclerocactus glaucus (25). La portée de ces travaux et de ces études amène alors le monde botanique à distinguer trois espèces différentes, S. glaucus, S. wetlandicus et S. brevispinus, ainsi qu’à revoir et à préciser les contours de leurs zones de répartition géographique respectives, des noms de territoires qui vont servir à composer leurs (nouveaux) noms vernaculaires (26). On a là une révision taxonomique qui formule du même coup les vocabulaires scientifiques et populaires.

De par sa morphologie plus particulière, son épiderme bleuté caractéristique, et sa zone de répartition située dans les limites de l’Etat du Colorado, Sclerocactus glaucus porte désormais le nom vernaculaire de Colorado hookless cactus, cactus sans crochet du Colorado.

N’étant rencontrée qu’au nord-est de l’Utah, avec une répartition quelque peu dispersée au sein du vaste Bassin Uinta, l’espèce Sclerocactus wetlandicus hérite du nom commun d’Uinta Bassin hookless cactus, cactus sans crochet du Bassin Uinta.

L’espèce Sclerocactus brevispinus se voit simplement désignée par le nom de Pariette cactus, cactus Pariette, du nom de la petite zone géographique (Pariette Draw drainage, sud de Myton, Utah) où elle se rencontre au sein du Bassin Uinta (27). Deux autres appellations existent : Parriette fishhook cactus, cactus sans crochet Pariette, et Shortspine fishhook cactus, cactus courte épine sans crochet. 

Sclerocactus mesae-verdae

Les premiers spécimens de Sclerocactus mesae-verdae sont découverts en 1940 près de Cortez, au sud-ouest du Colorado, par un docteur en médecine installé à Colorado Springs, Charles Hercules Boissevain qui les décrits sous un nouveau genre, Coloradoa (28). Le nom d’espèce a pour origine celui donné au parc national créé en 1908 par le président des États-Unis Theodore Roosevelt pour protéger les habitations préhistoriques troglodytiques construites à même des falaises par des Indiens Anasazi entre les VIe et XIVe siècles après J.-C. La plante sera renommée Sclerocactus mesae-verdae en 1966 par Lyman D. Benson (29). Deux noms vernaculaires sont rencontrés qui reprennent le nom bien particulier de cette espèce botanique. D’une part, Mesa Verde cactus, cactus Mesa Verde. D’autre part, Mesa Verde fishhook cactus, cactus hameçon Mesa Verde. En incluant le mot fishhook (30), ce dernier nom commun peut apparaître inapproprié, car les spécimens de mesae-verdae ne présentent le plus souvent que des épines radiales et pas d’épine centrale, ou une seule très exceptionnellement, courte et à pointe crochue (31).

(Suite 3/3 et fin)

Sclerocactus parviflorus, Sclerocactus cloverae

Ces deux espèces se trouvent içi rapprochées dans la mesure où le nom botanique de la seconde, S. cloverae, ainsi que ses noms vernaculaires, reprennent le nom de la botaniste américaine qui a découvert les premiers spécimens de S. parviflorus en 1938 et qui en a fait la première description en 1941 sous le nom d’Echinocactus parviflorus (32).

Les spécimens de Sclerocactus parviflorus sont le plus souvent désignés sous le nom de Devil’s claw cactus, cactus griffe du diable – qui reprend l’appellation utilisée pour nommer communément le genre lui-même -, et aussi sous celui de Small flower fishhook cactus, cactus petite fleur sans crochet. Cet autre nom fait référence aux petites fleurs observées lors de la découverte des premiers spécimens en 1938, le nom de parviflorus venant du latin parvus, petit, et floreo, fleurir. En fait, on se rend compte que ces fleurs qui pouvaient paraître petites à l’époque – l’espèce se rangeait à l’origine dans le vaste genre Echinocactus -, se placent aujourd’hui dans les dimensions généralement observées parmi tous les Sclerocactus (stricto sensu).

Sclerocactus cloverae n’a fait l’objet d’une première description qu’en 1976, soit un peu plus de 35 ans plus tard après celle des parviflorus, et sous un autre nom, Sclerocactus whipplei var. heilii (33). Ses noms vernaculaires sont Clover eagle-claw cactus, cactus griffe d’aigle Clover, et Clover fishhook cactus, cactus hameçon Clover.

A noter que Sclerocactus parviflorus ssp. terrae-canyonae, sous-espèce caractérisée par ses fleurs de couleur jaune à jaunâtre – et qui fut considérée à l’origine comme une espèce à part entière -, est désignée par le nom commun de Canyonlands eagle-claw cactus, cactus griffe d’aigle de Canyonlands (34).

Sclerocactus wrightiae

Les premiers spécimens de cette espèce ont été découverts en 1961 par une botaniste américaine, Mme Dorde Wright Woodruff, à proximité des arêtes rocheuses San Rafael dans le comté Emery en Utah (35) (36). Après que d’autres spécimens aient été trouvés en 1964 et 1965 dans le vaste secteur géographique de ce comté Emery, c’est Lyman D. Benson qui les range dans le genre Sclerocactus sous le nom de sa découvreuse (37). Sclerocactus wrightiae est une cactée désignée sous les noms vernaculaires de Wright’s cactus, cactus de Wright, ou de Wright fishhook cactus (ou encore Wright’s fish-hook cactus), cactus hameçon de Wright.

Sclerocactus blainei

Sclerocactus blainei est la dernière espèce du genre à avoir été découverte et décrite. C’est au cours d’explorations botaniques entreprises dans plusieurs vallées de l’est du Nevada que les premiers spécimens sont découverts en juin 1980. Leur première description est publiée en 1985 dans les pages de la revue Great Basin Naturalist sous le nom de Sclerocactus blainei d’après le prénom de son découvreur, Blaine Tree Welsh, fils du botaniste Stanley L. Welsh, auteur de la description (38). Le nom vernaculaire de cette cactée est Blaine fishhook cactus, cactus hameçon de Blaine.

Sclerocactus nyensis

C’est au cours de l’année 1980 et lors des explorations qui ont conduit à la découverte de ce qui deviendra Sclerocactus blainei qu’auraient aussi été trouvés les tous premiers spécimens de cette autre nouvelle espèce devenue Sclerocactus nyensis. Les recherches effectuées au Nevada par les botanistes Stanley L. Welsh et C.R. Thorne les ont conduits dans un secteur géographique encore peu exploré, celui de Warm Springs qui se trouve dans partie sud de la Railroad Valley. Dans son ouvrage de 1993, The Genus Sclerocactus. Revised, Fritz Hochstätter raconte qu’ils y collectent un certain nombre de petits spécimens de cactées qu’ils vont considérer dans un premier temps comme de simples formes juvéniles de Sclerocactus  polyancistrus (39). Des spécimens qui vont s’avérer par la suite être des nyensis… 

L’espèce est décrite par Fritz Hochstätter (40) sous un nom qui reprend celui du comté de Nye au Nevada, où cette cactée a été découverte (39). Le nom vernaculaire a deux formulations : Nye fishhook cactus, cactus hameçon de Nye, ou Nye county fishhook cactus, cactus hameçon du comté de Nye.

 

Sclerocactus sileri

Le nom vernaculaire de Sclerocactus sileri reprend celui qui apparaît aujourd’hui être le découvreur des premiers spécimens en 1888 : Siler fishhook cactus, le cactus hameçon de Siler. Ce découvreur est Andrew Lafayette Siler (1824-1898) qui était un juriste, avocat et notaire, passionné de botanique et qui, au cours de ces mêmes années 1880, est le découvreur d’une autre cactée qui va prendre le nom de Pediocactus sileri. Ces deux cactées sont morphologiquement différentes l’une de l’autre et poussent dans des habitats différents. Mais parce que Siler ne va laisser que peu d’informations à la fois sur ces premiers spécimens et sur les lieux où il les a trouvés, que ces deux espèces vont faire l’objet, dans une partie de la littérature spécialisée et durant des années, de navrantes confusions qui sont aujourd’hui toutes clarifiées. Après avoir porté plusieurs noms, S. pubispinus var. sileri, ou encore S. whipplei var busekii, cette espèce a été décrite sous le nom de Sclerocactus sileri en 1994 (41).

Pour conclure

La quasi-totalité des noms vernaculaires désignant les Sclerocactus (stricto sensu) sont des mots composés qui comportent le mot fishhook, hameçon, mot donné – avec eagle-claw – au genre botanique lui-même, sans précision d’espèce. Fishhook illustre de façon la plus concrète et imagée, et mieux sans doute que eagle-claw moins répandu, la courbure caractéristique de l’extrémité d’un grand nombre d’épines (centrales) de ces cactées, une courbure à l’identique de celle que montre un outil aussi connu, répandu, facile à appréhender, que peut l’être un hameçon.

L’attribution de ces noms vernaculaires ne semble pas répondre à des modes dans le temps.

Dans le genre, seules quelques espèces se voient désignées par plus d’un nom vernaculaire,  souvent au moins deux noms, qui sont assez régulièrement rencontrés dans la littérature spécialisée (spinosior, polyancistrus, parviflorus). Près de la moitié des espèces portent le nom de leur découvreur (whipple, wrightiae, blainei, sileri) ou, pour l’espèce cloverae, de la botaniste exploratrice dont le nom est historiquement attaché à une autre espèce du genre (parviflorus).

Mais plus de la moitié des espèces du genre se trouvent communément désignées par des noms qui sont ceux de leur zone de répartition géographique (polyancistrus, pubispinus, spinosior, glaucus, wetlandicus, brevispinus, mesae-verdae, nyensis, parviflorus ssp. terrae-canyonae). Autant de noms communs qui viennent en fait rappeler le caractère endémique de ces cactées. Lorsqu’il existe réellement, ce caractère d’endémisme devient un référentiel pratique. Ainsi, au début des années 2000, en « administrant » la séparation botanique de l’espèce glaucus en trois espèces distinctes, on a vu que l’Administration américaine va, sur ce critère, attribuer un nom vernaculaire personnalisé et essentiel, sans doute définitif, à chacune d’elle (26).

On a, à travers cet exemple récent, quelques réponses aux questions que posent le plus souvent l’existence de ces noms vernaculaires. Car si tous les noms de type binomial attachés à la science botanique ne manquent pas d’informations et d’explications sur leur origine, la grande majorité des noms vernaculaires ne possèdent pas – ou ne possèdent plus – de telles informations, car ces noms sont le plus souvent anciens et leur origine s’est perdue. Pour nombre d’espèces, quelles motivations ont amené aux choix de leurs noms communs ? Qui les a inventés ? Où et quand ont-ils été utilisés la première fois ?  Dans quels documents les rencontre-t-on pour la première fois ?

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Bibiographie

(1)-Nathaniel L. Britton and Joseph N. Rose, The Cactaceae : Descriptions and Illustrations of Plants of the Cactus Family, Vol 3, Washington, D.C.: The Carnegie Institution, 1919–1923.

(2)-W. Hubert Earle, Cacti of the Southwest, Rancho Arroyo, p206, 1980.

(3)-Hall, Clarence A., Jr., editor Natural History of the White-Inyo Range, Eastern California. Berkelewith Identification Keys to Native and Ny: University of California Press, p132, 1991.

(4)-Pam Mackay, Mojave Desert Wildflowers  Pam Mackay, Falcon Guides, p107, 2013. 

(5)-Morhard Sia & Morhardt Emil, California Desert Flowers, an Introduction to Families, Genera and Species, University of California Press, p117, 2004. 

(6)-Renee Van Buren, Janet G. Cooper, Leila M. Shultz, Kimball T. Harper, Woody Plants of Utah: A Field Guide aturalized Trees, Shrubs, Vines, and Cacti, Utah State University Press, 2011. 

(7)-Route near the thirty-fifth parallel, explored by Lieutenant A.W. Whipple, topographical engineers, in 1853 and 1854. Report on the botany of the expedition. Washington D.C.: WarDepartment, 1856. 

(8)-Edmund Carroll Jaeger, Desert Wild Flowers, Stanford University Press, p168, 1940. 

(9)-CNPS – California Native Plant Society – http://www.cnps.org

(10)-W. Hubert Earle, Cacti of the Southwest, p132, op. cit.

(11)-Nevada Natural Heritage Program – https://www.epa.gov 

(12)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Sclerocactus (Cactaceae) : a revision, Haseltonia. n°2, 39, 1994.

(13)-L. D. Benson, Cactus and Succulent Journal (Los Angeles). 38(2): 103, 1966.

(14- Dr. George Engelmann, Report of the Botany of the expedition « Explorations across the Great Basin of Utah in 1859 in charge of Capt. J.H. Simpson, Topographical Engineer, Washington, Government Printing Office, 1876.

(15)-Dr. George Engelmann, The Transactions of the Academy of St. Louis, with plates illustrating papers, vol. II, n°1, p199, 1863.

(16)-D. Woodruff & L. D. Benson, Changes in status in Sclerocactus, Sclerocactus spinosiorCactus and Succulent Journal (Los Angeles). 48:133, 1976.

(17)-W. Hubert Earle, Cacti of the Southwest, p133, op. cit.

(18)-Karl Moritz Schumann, Gesamtbeschreibung der Kaktee, 1, p438, 1898.

(19)-L. D. Benson, 38(2): 53, op. cit.

(20)-The Code of Federal Regulations of the United States of America – 44 FR 58868 58870, Endangered and Threatened Wildlife and Plants; Determination That Sclerocactus glaucus is a Threatened Species, October 1979.

(21)-Fritz Hochstätter, Sclerocactus wetlandicus, Succulenta (Netherlands). 68: 123-124, 1989.

(22)-Fritz Hochstätter, Sclerocactus wetlandicus var. ilseae, Succulenta (Netherlands)72: 22. 1993.

(23)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Haseltonia. 2: 26, op. cit.

(24)-Porter, J. M. & Kinney, M. & Heil, K. D., Relationships between Sclerocactus and Toumeya (Cactaceae) based in chloroplast trnL-F sequences, Haseltonia. 7: 8-23, 2000.

(25)-Porter, J. M. et. al. An assessment of genetic relationships among Sclerocactus brevispinus, S. wetlandicus and S. glaucus. US Fish and Wildlife. Unpublished 2010.

(26)-The Code of Federal Regulations of the United States of America – 74 FR 47112-47117, Endangered and Threatened Wildlife and Plants; Taxonomic Change of Sclerocactus Glaucus, September 2009.

(27)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Haseltonia. 2: 26, op. cit.

(28)-Boissevain C.H. & C. Davidson, Colorado Cacti : an Illustrated Guide Describing all of the Native Colorado Cacti, 55, fig. 38-40, 1940.

(29)-L. D. Benson, Sclerocactus mesae-verdae, Cact. Succ. J. (Los Angeles). 38: 54. 1966.

(30)-Flora of North America – http://www.efloras.org

(31)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Haseltonia. 2: 23, op. cit.

(32)-Elzada U. Clover and Lois Jotter, Bulletin of the Torrey Botanical Club. Vol. 68, No. 6, 409-419, June 1941.

(33)-Castetter, P. Pierce & K. H. Schwerin, Sclerocactus whipplei var. heilii, Cactus and Succulent Journal (Los Angeles). 48 : 79, figs. 3,4, 1976.

(34)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Haseltonia. 2: 29, op. cit.

(35)-United States Department of Interior, Bureau of Land Management, Final Report Habitat Inventory of Sclerocactus Wrightiae and other associated sensitive species, vol1 – Texte and Photographs, Richfield, Utah, January 1987.

(36)-Ronald J. Kass, Demographic Monitoring of Wright Fishhook Cactus, Southwestern Rare and Endangered Plants : Proceedings of the Third conference, Flagstaff, Arizona, September 25-28, 2000.

(37)-L. D. Benson, Sclerocactus wrightiae, Cact. Succ. J. (Los Angeles). 38 :55, figs. 5, 6. 1966.

(38)-Welsh, Stanley L. and Thorne, Kaye Hugie, New Sclerocactus (Cactaceae) from Nevada, Great Basin Naturalist : Vol. 45: No. 3, Article 23, 1985.

(39)-Fritz Hochstätter, The genus Sclerocactus. Revised, Mannheim, p26, 1993.

(40)-Fritz Hochstätter, Sclerocactus nyensis, Succulenta (Netherlands), 71 (6) 253, 1992.

(41)-Kenneth D. Heil and J. Mark Porter, Haseltonia. 2: 39, op. cit.

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