Sclerocactus parviflorus, Pipe Springs, Arizona

Pipe Springs (1500 m d’altitude) est un site préservé qui commémore la vie des pionniers de l’Ouest des Etats-Unis. Il est situé à l’extrême nord de l’Arizona, à proximité de la frontière avec l’Utah, une zone frontalière appelée « Arizona Strip ». La découverte d’une source d’eau en 1858 par des missionnaires Mormons eu un impact considérable sur cette bande de terre vaste et aride. Parviflorus0711-2010

La source qui ne cessa d’attirer voyageurs et colons jusqu’au début des années 1900 fut d’abord un point de rassemblement pour le bétail. Puis y furent établies des cultures maraîchères et des vignes avant que soit entreprise, de 1870 à 1872, la construction d’un fort destiné à préserver les réserves d’eau contre les attaques incessantes de maraudeurs. L’ensemble du site abritait plus de 2000 têtes de bétail et plus de 150 chevaux avant son déclin progressif à partir des années 1890.Parviflorus0697-2010

Une fois à l’intérieur du site, il faut emprunter le chemin de crête qui surplombe les bâtiments pour se rendre sur un promontoire où se trouve un petit jardin abritant diverses plantes xérophytes. On y trouve de très belles Opuntia basilaris et une vingtaine de Sclerocactus parviflorus. Lors de mes voyages, je suis venu plus d’une fois à Pipe Springs. Aux mêmes époques, entre mi-avril et mi-mai, j’y ai toujours vu ces basilaris et ces parviflorus en fleurs. Les photographies prises dans ce jardin le 28 avril 2010 témoignent de l’une de ces floraisons.basilaris-0495-2013

Mais accéder à ce promontoire pour y revoir en particulier ces parviflorus n’est pas mon seul plaisir. Car il offre une vue imprenable en direction du sud sur d’immenses étendues. Des étendues qui, avec des noms prêtant à rêver, Yellowstone Mesa, Antelope Valley, Kanab Plateau, Sunshine Point,… précèdent tout au bout de l’horizon, là où terre et ciel se confondent, les spectaculaires paysages du Grand Canyon. Ces étendues m’ont toujours incité à faire et refaire mentalement une sorte de revue de détail, un « tour d’horizon », de quelques-unes des merveilles de la grande famille des Cactacées qui m’ont été données de voir dans leurs milieux naturels et aussi loin que peut voir l’œil…

A gauche, à l’est, à moins de 100 kms de distance à vol d’oiseau, se trouvent les Pediocactus winkleri ssp. bradyi ainsi que les Opuntia basilaris ssp. longiareolata. Toujours à l’est, à environ 60 kms, les Sclerocactus sileri et, plus au sud-est, les Pediocactus paradinei. Et à moins de 20 kms de distance, toujours à vol d’oiseau, les Pediocactus sileri que l’on trouve aussi au sud-ouest. Au sud, à moins de 25 kms, les très rares Pediocactus peeblesianus ssp. fickeiseniae, ainsi que de très nombreux Sclerocactus parviflorus. Avec toujours au sud, aux limites de l’horizon vers le Grand Canyon, les Sclerocactus havasupaiensis. Et à droite, à l’ouest et au sud-ouest, aux rives orientales du désert de Mojave, les premiers Sclerocactus (Echinomastus) johnsonii.

Pipe Springs, site stratégique, presque une table d’orientation !Parviflorus0715-2010

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Sclerocactus wetlandicus, Ouray, Utah

La photographie ci-dessous de spécimen de wetlandicus a été prise le 25 avril 2012 à 1426 m d’altitude non loin des bords de la rivière White qui, en Utah, serpente à l’intérieur des terres de la réserve indienne Uintah and Ouray. J’étais déjà venu observer quelques unes de ces cactées lors d’un précédent voyage du côté de Bonanza, dans ce comté d’Uintah. WhiteRiver-0090-2012

Et comme la première fois, je voyais les premiers wetlandicus de ce nouveau voyage par un temps maussade et pluvieux. Un ciel triste, chargé d’épais nuages, qui ne laissaient pour toute la journée aucun espoir de voir ces cactées sous le soleil. En écrivant ces lignes après plus de deux années passées, je ne peux m’empêcher d’ajouter que mes premiers wetlandicus rencontrés lors d’un troisième voyage, dans ce même comté d’Uintah en 2014, l’ont été aussi sous la pluie et un ciel bien gris… Au cours de ces trois voyages, j’ai pu cependant voir nombre de wetlandicus sous des cieux sans nuage… mais, curieusement, jamais les premiers rencontrés.Wetlandicus0080-2012

J’avais été impressionné ce 25 avril par ce spécimen montrant cinq têtes mesurant chacune près de 8 cm de diamètre hors épines. Au stade adulte, l’espèce wetlandicus montre des tiges habituellement sphériques à légèrement cylindriques, devenant avec l’âge cylindriques allongées. Le site de Flora of North America rapporte pour cette espèce des hauteurs de tiges de l’ordre de 8,5 cm pouvant aller jusqu’à 15 cm, et des diamètres de 10 à 12 cm.

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J’avais cru tout d’abord que l’une de ces têtes avait été blessée et endommagée en son temps par du bétail pâturant en open range. Mais, à l’évidence, cette tige à présent couchée sur le sol était bien trop allongée pour avoir été à l’identique des quatre autres. Ce ne pouvait être que la tige mère, forcément plus volumineuse et plus longue. Déséquilibrée en raison de son poids et de sa hauteur, elle s’était naturellement affaissée. Au contact de la terre, une partie de cette tige s’était enracinée et donnait vie à présent à dix nouvelles têtes, deux à sa base, huit à son sommet. Cette plante mesurait dès lors quelques 34 cm de longueur !

Comme la montre mieux la seconde photographie, la partie centrale de cette tige était en train de pourrir. En se désagrégeant peu à peu, elle amènerait alors une séparation en deux volumineux spécimens de wetlandicus, forts respectivement de huit et six têtes.

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Sclerocactus polyancistrus, Nivloc road, Nevada

Ces photographies de spécimens de Sclerocactus polyancistrus ont été prises au Nevada dans un secteur aux paysages particulièrement spectaculaires et arides autour de la bourgade de Silver Peak, Nevada. On est dans la partie la plus au nord de l’aire de répartition de Sclerocactus polyancistrus, à 1579 m d’altitude.

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Une aire qui s’étire depuis le sud du Nevada (comtés de Nye, Esmeralda et Mineral) jusqu’en Californie, depuis l’ouest de San Bernardino et le nord du comté d’Inyo (comtés d’Inyo, San Bernardino et Kern). L’extrémité sud de cette aire de répartition se situe autour de la ville de Barstow. Du Nevada à la Californie où elle est limitée par les contreforts de la Sierra Nevada, cette aire de répartition représente la limite ouest de la zone de distribution du genre.Sclerocactus polyancistrus se rencontre sur des sols volcaniques, alcalins ou calcaires, sur des affleurements rocheux peu élevés ou sur des pentes douces de collines empierrées, rocailleuses, toujours exposées au sud, ou encore sur d’anciens terrains alluvionnaires et plats. C’est une cactée qui vit au cœur du désert de Mojave dans les communautés de végétation du « Joshua tree » (Yucca brevifolia) et à différentes altitudes, de 500/600 à 2350 m en Californie et de 1000 à 1900 m au Nevada.Polyancistrus-0553-2011

RepartPolyancis01On remarque que toutes les espèces du genre sont installées dans leurs habitats de manière assez dispersée. Il n’existe pas, sur la plupart des sites, de colonies regroupant un grand nombre de spécimens. On observe plutôt des individus éparpillés, toujours plus ou moins éloignés les uns des autres, même lorsque le relief ou les accidents du terrain ne se prêtent pas à éparpillement. S. polyancistrus, dont l’habitat est très étendu, en est un bon exemple au point de porter le nom vernaculaire de « hermit cactus ».

Cette couverture épineuse compte un total de 20 à 30 épines par aréole, et jusqu’à près de 35 sur certains spécimens. Les épines centrales, majoritairement de couleur sombre, sont au nombre de 9 à 12 par aréole, longues parfois jusqu’à 10 cm, plus de la moitié (de 5 à 9) présentant une pointe en hameçon. Les épines radiales sont le plus souvent au nombre de 10 à 15, jusqu’à 18 parfois par aréole, droites et blanches, longues de 2 à 5 cm.

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Sclerocactus polyancistrus, Rhyolite, Nevada

Lors de notre périple 2011, c’est au cours de la journée du 30 avril, le long de la route 374 en direction du col de Daylight et du Parc National de la Deaf Valley, que nous avons trouvés nos premiers Sclerocactus polyancistrus en fleur. Nous venions de Pahrump à l’ouest de Las Vegas et devions rallier la ville de Tonopah dans la journée. Nous avions déjà trouvé des polyancistrus le long de la route 373 au sud d’Amargosa Valley, à un peu plus de 900 m d’altitude, mais sans rencontrer encore de spécimens en fleur. Blue-Diamond-nursery-0232-2011

Cette journée avait débuté par une visite à une jardinerie bien connue située à l’ouest de Las Vegas, Cactus Joe’s Blue Diamond Nursery. Nous avions pu y voir quantité de cactées, notamment nombre de Ferocactus cylindraceus et lecontei, mais aucun Sclerocactus. Et il nous tardait de voir ces derniers. Aux alentours de Beatty et de la ville fantôme de Rhyolite, entre 1000 et 1100 m d’altitude, nous sommes presque aux confins septentrionaux de l’aire de répartition de cette espèce.

Polyancistrus0463-2011L’espèce polyancistrus couvre la seconde plus grande zone de distribution du genre Sclerocactus (stricto sensu) après celle, bien plus étendue, de l’espèce parviflorus. Une zone qui, à son extrême sud, va jusqu’au nord de la ville de Barstow en Californie. C’est d’ailleurs non loin de cette ville que les premiers spécimens de S. polyancistrus ont été découverts le 15 mars 1854. La découverte de ces premiers spécimens est mentionnée dans les comptes rendus botaniques rédigés par George Engelmann et John M. Bigelow lors d’une l’expédition conduite par le lieutenant A. W. Whipple au cours des années 1853-1854 (« Route near the thirty-fifth parallel« ). Voir Histoire du genre, période 1922-1950.

Polyancistrus0439-2011La rencontre avec ces Sclerocactus polyancistrus est toujours très surprenante, à l’image de celle avec les Sclerocactus nyensis. Il y a d’abord le fait que ces cactées poussent dans des sols impossibles. Un sol caillouteux à l’extrême où l’on cherche en vain le peu de terre dans laquelle s’enracinent ces plantes. Généralement engoncées dans une couche plus ou moins profonde de débris rocheux, ces cactées montrent ensuite une tige entièrement recouverte d’une multitude d’épines qui ne laissent pas entrevoir la couleur de l’épiderme. La dense couverture épineuse des polyancistrus, la plus fournie du genre, est toujours spectaculaire à voir. Elle constitue un signe de reconnaissance spécifique qui permet très vite de l’identifier. En présence de spécimens matures ou âgés de S. nyensis, et en l’absence de fleur ou de fruit, le nombre réduit d’épines radiales de ces derniers (6 à 8) et leur plus faible longueur permettent de les distinguer de l’espèce polyancistrus. Le nom polyancistrus est dérivé du grec ancistro, en forme d’hameçon, de crochet, et illustre précisément par son suffixe poly cette multitude d’épines à pointe en hameçon observées parmi les très nombreuses épines de l’espèce.

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Sclerocactus parviflorus, Fremont Junction, Utah

Cette photographie fait partie d’une petite série de clichés pris le 3 mai 2010 dans un lieu où nous ne nous attendions pas à trouver un mini site de Sclerocactus. Venant du Parc National de Capitol Reef, nous avions emprunté tôt dans la matinée la piste poussiéreuse dénommée Lower Last Chance Loop à la recherche de spécimens de Sclerocactus wrightiae et de Pediocactus despaniiParviflorus1397-2010

Nous avions trouvé les premiers, mais pas les seconds. Et nous nous apprêtions à quitter cette piste en arrivant au carrefour d’accès à l’autoroute 70. Devant consulter nos cartes, nous nous sommes arrêtés. Sur notre droite, une colline à pente douce, à 1990 m d’altitude, couverte de roches d’aspect grisâtre. C’est en gravissant la pente que j’ai aperçu les premiers exemplaires. Parviflorus1399-2010

Toutes ces cactées, des Sclerocactus de type parviflorus, étaient marquées de manière surprenante par un mimétisme qui les rendait à peine visibles de loin, même pour qui connaissait leur présence. Leur épiderme montrait la même couleur que le sol. Un gris assez nettement bleuté, une teinte où ne dominait plus la couleur verte qui les caractérise.  C’était une teinte très inhabituelle à observer tant elle était intense sur tous ces spécimens. Depuis le bord de la route, il fallait réellement un « œil de lynx » pour détecter ces cactées.

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La couleur des tiges des Sclerocactus varie du vert pâle plus ou moins sombre au vert à peine bleuté, teinte dans laquelle se retrouve encore un peu de jaune. On peut souvent remarquer dans les diverses descriptions faites de ces Sclerocactus l’absence de précision concernant la couleur habituellement de leurs tiges. Même la description du site réputé www.efloras.org relative à cette espèce parviflorus ne mentionne pas de couleur dominante ou habituellement observée de tige. Parviflorus1389-2010

La colline au bas de laquelle se trouvaient dispersées ces parviflorus était de nature basaltique à en croire les quelques roches qui s’étaient décrochées de son sommet. Une des photographies montre bien l’aspect caractéristique de cette roche ignée volcanique, avec sa multitude de vacuoles. Au nombre d’une vingtaine, les spécimens de parviflorus présents au bas de cette colline se trouvaient installés dans une sorte de limon sablonneux très fin qui coulait aisément dans la main. On retrouvait là, et bien que très chargé en cailloux, le type de sol à très fine granulométrie dans lequel poussent préférentiellement toutes les espèces de ce genre Sclerocactus.

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Sclerocactus parviflorus, Valley of the Gods, Utah

parviflorus001a2002-Valley-of-GodsCette photographie date de 2002. Elle a été prise au sud-est de l’Utah dans le site naturel de Valley of the Gods qui se situe entre 1400 et 1600 m d’altitude. C’est un environnement de formations rocheuses rougeâtres mêlant buttes, dômes et mesas. Un site naturel à l’image, mais à plus petite échelle, de celui du célèbre parc tribal Navajo de Monument Valley. Les Sclerocactus y étaient nombreux à l’époque, disséminés le plus souvent au pied des buttes ou au sommet des mesas.  Il y avait des spécimens de toutes tailles et les plus gros montraient une tige avoisinant les 30 cm de haut pour quelques 7 à 8 cm de diamètre. C’étaient là de belles tailles pour des parviflorus dont la hauteur de tige peut dépasser les 40 cm pour un diamètre de 10/12 cm. Dans le genre Sclerocactus, cette espèce parviflorus ainsi que les espèces polyancistrus, wetlandicus et  whipplei ssp. heilii, montrent les plus grandes tiges.

Pour voir ces parviflorus, il fallait marcher un peu et s’écarter de la piste en terre battue assez roulante pour les voitures, piste permettant de faire le tour de cette vallée en une demi-heure… Pour des passionnés du genre et même si ces cactées sont moins nombreuses aujourd’hui, il n’est guère possible de rester moins de deux heures de temps dans cette Valley of the Gods, les paysages tout autant que les Sclerocactus ne cessant de capter le regard (on y devient vite contemplatif… comme à Monument Valley).parviflorus002a-2002-Valley-of-Gods

La répartition de S. parviflorus représente la plus large distribution de toutes les espèces du genre. Son territoire, centré approximativement sur une grande moitié sud-ouest de l’Utah, déborde au-delà des frontières de cet État sur l’extrême sud-est du Nevada, sur toute la longueur de la frontière nord de l’Arizona, sur l’extrême sud-ouest du Colorado et sur un petit quart nord-ouest du Nouveau-Mexique. parviflorus-repartition1En raison de cette grande répartition, S. parviflorus se rencontre dans différentes communautés d’espèces végétales situées entre 1000 et 2100 m d’altitude : sur des rebords de mesas empierrées et désertiques, en bordure de petites forêts clairsemées de pins ou de genévriers, ou encore sous le couvert de broussailles ou de hautes herbes et graminées, souvent dominées par des espèces résistantes à la sécheresse, telles Atriplex corrugata ou Atriplex cuneata. Les terrains peuvent être variés : sablonneux ou très caillouteux, à dominante calcaire ou granitique ou basaltique. Cette diversité de terrains et d’habitats naturels explique la grande variabilité de cette espèce parviflorus.

 

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