Faire raciner une tige

La culture des Sclerocactus sur leurs propres racines reste très difficile dans nos pays d’Europe occidentale. Ces cactées ne sont guère adaptées à nos climats de type océanique plus humides et moins ensoleillés que les climats nord-américains de type continental. Un niveau hygrométrique de l’air plus élevé en toute saison occasionnant une nébulosité plus forte avec diminution de l’intensité lumineuse est une constante de nos climats européens  occidentaux, alors que des vents desséchants plus ou moins réguliers qui clarifient l’atmosphère et des précipitations plus faibles caractérisent les milieux naturels de l’ouest américain où se répartissent ces cactées. A ces paramètres climatiques s’ajoutent des facteurs édaphiques auxquels ces plantes sont particulièrement attachées et qui façonnent leur endémisme. Autant de conditions environnementales qui les fragilisent chez nous et compliquent durablement leur culture. Malgré l’expérience qui peut être acquise dans la conduite de celle-ci, on ne peut éviter très souvent l’apparition de maladies qui se traduisent généralement par une pourriture des racines ou du collet.

Les symptômes d’une perte de racines ou d’un début de pourriture d’une tige sont détectables : apex ne montrant pas ou plus d’activité, tige qui s’incline ou devient vacillante, collet devenu anormalement mou, pied de tige changeant de couleur… Avant que pourriture ou dessèchement ne gagne toute la tige, il est possible de sauvegarder cette dernière en menant quelques actions qui seront d’autant plus salvatrices qu’elles se dérouleront en pleine période de végétation, entre mars et juin. La technique s’apparente à du bouturage, mais il s’agit ici de sauver une plante et non d’en créer une nouvelle. Six étapes à suivre sur la base d’un sauvetage (bien réel et réalisé en 2016) de la tige d’un jeune spécimen de Sclerocactus blainei :

1/ Choisir un pot (terre ou plastique, peu importe) en fonction du diamètre de la tige du cactus et aussi de son envergure épines comprises et le remplir exclusivement d’un substrat minéral sablonneux propre et sec (sable de rivière). Les grains de sable seront d’un calibre ne dépassant pas les 3 millimètres. Mais, en surface et sur une épaisseur de 1 à 2 centimètres, étaler une couche de sable très fin.

2/ Préparer un cutter dont la lame sur toute sa longueur aura été désinfectée à l’alcool à 90° ou à 70°.

3/ Extraire le cactus de son substrat. Le dépotage va permettre de se rendre compte de l’étendue de la zone nécrosée, généralement située au niveau du collet. Autre façon d’extraire le cactus de son substrat : il suffit bien souvent de tirer légèrement sa tige vers le haut pour qu’elle se sépare de son collet et de son tronc racinaire. Les tissus nécrosés mis à jour montrent le plus souvent un aspect pâteux ou semi liquide, gluant. Ils peuvent aussi être secs en cas de perte des racines.

4/ Réduire cette tige à sa partie saine. Pour réaliser et faciliter la coupe de la tige, il sera peut-être nécessaire d’enlever quelques épines. Couper la tige un peu au-dessus de la zone atteinte de pourriture de manière à être sûr d’éliminer toute la partie nécrosée. Il est primordial que la coupe nette et franche de la tige fasse apparaître des tissus parenchymateux sains.

5/ Poser de suite la tige fraîchement coupée de ce cactus sur le lit de sable fin préalablement préparé. Appuyer légèrement pour faire adhérer du mieux possible les grains de sable sur toute la surface encore visqueuse de la coupe. D’où l’importance du sable fin étalé en surface. Terminer l’installation de la tige dans son pot en utilisant des élastiques destinés à la maintenir au contact de la surface sablonneuse. 

6/ Placer le pot dans un endroit aéré, lumineux et chaud, bénéficiant de préférence du soleil du matin, et ne plus y toucher au moins durant 6 mois, sans effectuer d’arrosage ni même de  brumisation. La seule intervention consistera à remplacer les élastiques distendus ou cassés.

A l’issue de 2 ou 3 mois, le pied de la tige (tige un peu amoindrie mais non desséchée, bas de tige décoloré) doit faire apparaître plusieurs départs de racines. Ces départs de racines sous forme de petits et fragiles bâtonnets vert clair sont généralement bien visibles car leur poussée et leur nombre ont soulevé légèrement cette tige de la surface du substrat en dépit de son maintien assuré par la tension des élastiques. La couche de sable fin en surface a grandement facilité leur pénétration dans le substrat minéral.

Sur la tige de Sclerocactus blainei que montrent les photographies ci-contre et ci-dessous, la vingtaine de départs de racines a demandé deux mois de temps : coupe de tige réalisée un 28 mars, photos des premiers départs de racines prises le 28 mai suivant. Impressionnant !

Maintenir la tige en place jusqu’à l’année suivante, le temps que ces racines développent une première chevelure de radicelles. A l’approche de la période hivernale, les départs de racines auront normalement produit leurs premières radicelles et leurs poils absorbants. La base de la tige, au niveau de son pourtour, pourra aussi avoir produit quelques petits départs de racines qui sont très visibles à la surface du substrat. Par ailleurs, sur la durée, la tige va avoir tendance à s’orienter vers la lumière solaire (héliotropisme).

Toujours à l’approche de la période hivernale, ou à l’issue de 6 mois, quelques très légères brumisations du sommet de la tige (à hauteur de son apex) seront possibles en veillant à ne pas mouiller la surface de sable fin au pied de la tige. Il est possible d’humidifier le substrat par capillarité mais, de préférence, en se limitant à sa partie basse et donc en contrôlant si possible la montée (toujours très rapide) de l’eau. Il est toujours préférable de ne pas humidifier le substrat sablonneux au pied de la tige. Pas d’arrosage ni brumisation durant toute la période hivernale.

Au début de l’année suivante, la plante est appelée à reprendre son cycle normal de végétation. Le dépotage de la tige fait normalement apparaître une dense chevelure de racines, comme le montre la photographie ci-dessous d’une tige juvénile de Sclerocactus glaucus mise à raciner une année avant dans les mêmes conditions que la tige de blainei. On peut voir très nettement au niveau de la coupe les nombreux et puissants départs de racines ainsi que, à leur extrémité, certaines des radicelles avec leurs poils absorbants. Le rempotage dans un substrat exclusivement minéral peut s’effectuer. Un spécimen de Sclerocactus sauvé !

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