Sclerocactus parviflorus sur sols cryptobiotiques

Le plus vaste des Parcs Nationaux de l’Utah est Canyonlands. Divisé en trois principales zones géographiques appelées districts, l’Île dans le ciel (Island in the Sky), les Aiguilles (The Needles) et le Labyrinthe (The Maze), il offre une multitude de sentiers de randonnées dans des paysages inoubliables et au milieu d’une végétation semi-désertique riche en cactées, en particulier des Sclerocactus parviflorus. De toutes mes randonnées effectuées en 2002 dans Canyonlands, celle m’ayant conduit aux aiguilles de grès colorées du Chesler Park m’avait permis d’en observer le plus grand nombre [à noter que mes photographies diapositives (argentiques) de l’année 2002 ont mal vieilli et que leur numérisation effectuée pourtant avec soin n’a pas permis d’en améliorer la qualité. Pardon auprès des internautes].

Les spécimens rencontrés étaient d’assez belle taille et montraient des couvertures d’épines fournies et spectaculaires. Presque toutes leurs épines centrales avaient la particularité d’être d’une couleur très claire, blanchâtre à ivoire, proche de la couleur toujours blanche de leurs épines radiales. Sur une terre sablonneuse souvent ocre, parfois rougeâtre à brunâtre, leur couleur accrochait la lumière et me permettait de repérer ces parviflorus de loin comme autant de précieuses balises facilitant mes découvertes.

Les spécimens que je rencontrais avaient aussi pour particularité de porter une épine centrale abaxiale assez longue qui dépassait les 6 cm sur les spécimens les plus gros. En formant une ligne doucement arquée, parfois légèrement torsadée, qui soulignait sa grande longueur, cette épine centrale s’imposait au premier regard. Elle était terminée par une pointe en hameçon de teinte brunâtre. C’étaient des spécimens qu’une impérieuse envie me poussait à voir de près. Mais j’avais des difficultés à les approcher, car nombre d’entre eux se trouvaient installés au beau milieu d’un sol couvert de croûtes cryptobiotiques.

Je me souviens que, depuis les années 1980/1990, les visiteurs et les randonneurs des Grands Parcs Nationaux de l’Ouest Américain étaient alertés sur la nécessaire préservation à apporter à ces sols et à leur encroûtement. Et j’avais pris connaissance de ce qu’ils pouvaient réellement signifier, biologiquement parlant, en lisant les articles vulgarisateurs de quelques-unes des brochures gratuites alors distribuées dans ces Parcs, telle celle de l’année 1990, intitulée From the Canyons et publiée par l’Association d’Histoire Naturelle de Canyonlands.

Les croûtes cryptogamiques se rencontrent sur tous les continents et plus particulièrement sur les terres arides et semi-arides. Elles couvrent notamment un pourcentage élevé de la surface des sols du vaste Plateau du Colorado et du désert du Grand Bassin, habitats des Sclerocactus, et aussi du désert de Sonora.

Ainsi lorsqu’on marche en pleine nature – en particulier à la recherche de spécimens de Sclerocactus –, il arrive immanquablement que l’on se trouve face à ce type de sols dont la surface, devenue le plus souvent grisâtre à noirâtre, apparaît curieusement bouleversée et crevassée. En l’examinant de près, on découvre qu’elle est constituée d’une multitude de formations architecturales miniatures et extravagantes, promontoires et presqu’îles à peine ébauchées, amorces de colonnades, cônes et pyramides dont les sommets, tels des pinacles, sont couronnés de croûtes sombres à la fois solides et fragiles, les croûtes cryptobiotiques. 

Ces croûtes sont constituées essentiellement d’organismes non vasculaires qui forment ensemble un univers très complexe. S’y rencontrent principalement des cyanobactéries, des mousses, des lichens ou encore de minuscules champignons. Tous ces organismes vivent, se déplacent et meurent sur le sol. Ils y laissent nombre de particules, fibres et déchets, des matériaux qui vont très vite s’amonceler, se coller les uns aux autres, puis durcir en adhérant au sol. Ce qui a pour effet premier d’en consolider la surface et d’en réduire considérablement l’érosion tant hydrique qu’éolienne. Mais tous ces matériaux participent aussi à la régénération du sol. Sa fertilité va s’en trouver augmentée, de même que son hydratation. Ces matériaux sont en effet capables d’absorber et de retenir près de dix fois leur volume en eau pour la redistribuer lentement dès lors que la terre s’assèche. Autant d’éléments qui expliquent que les plantes poussant sur ce type de sols cryptobiotiques bénéficient d’un niveau important de nutriments.

Mais cet encroûtement ne résiste malheureusement pas à la compression. Une fois perturbé ou écrasé, notamment sous les pas des randonneurs, sa reconstitution va nécessiter plusieurs années. Dès lors, il convient d’être respectueux en n’y marchant pas dessus !

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