Il n’est pas rare de découvrir dans leur milieu naturel des cactées très affectées par l’extrême sécheresse à laquelle elles sont parfois confrontées. Ce fut le cas le 26 avril 2015 lors de nos recherches de Sclerocactus menées dans le secteur du petit massif montagneux Monte Cristo, à quelques kilomètres de la ville de Tonopah, au Nevada. La région est sous le régime climatique du désert du Grand Bassin. L’une des caractéristiques de ce désert est d’être souvent privé de nombreuses pluies qui, venant du Pacifique et poussées par des vents d’ouest dominants, sont bloquées précisément aux frontières ouest de ce désert par des reliefs imposants (Sierra Nevada), reliefs sur lesquels elles s’y déversent le plus souvent sous forme de neige.
Nous étions partis ce jour-là à la recherche de Sclerocactus nyensis, mais ce furent d’abord des spécimens de polyancistrus qui attirèrent tout particulièrement notre attention. Je les prenais dans un premier temps pour des nyensis en raison de leur couverture d’épines assez claire, plus nettement blanchâtre que celle des polyancistrus. Ces cactées étaient rabougries, ratatinées, ce qui changeait considérablement leur silhouette. Elles étaient manifestement âgées, mesurant hors épines 7 à 8,5 cm de diamètre de tige pour 4 à 6 cm de hauteur. Elles étaient si déshydratées que les tubercules de leur tige s’étaient affaissés les uns sur les autres au point qu’il n’était guère possible d’entrevoir leur épiderme. La plupart des épines s’entrecroisaient dans un fouillis indescriptible. On ne pouvait distinguer nettement que des épines de couleur très sombre, rougeâtre à brun rougeâtre, toutes plus ou moins érigées, avec une pointe en hameçon. Ces épines étaient cependant trop sombres et trop nombreuses pour être celles de nyensis.
Les nyensis portent 6 à 8 épines centrales par aréole dont 3 seulement, terminées par une pointe en hameçon, sont de couleur rougeâtre à brunâtre. C’est une couleur qui caractérise les jeunes épines et qui va rapidement s’éclaircir pour disparaître et donner à cette espèce une spination blanchâtre assez uniforme et lumineuse. Or, les polyancistrus portent habituellement 9 à 12 épines centrales par aréole, plus de la moitié (5 à 9) présentant une pointe en hameçon tout en étant d’une couleur sombre rougeâtre au contraire assez pérenne. De plus, sur ces spécimens déshydratés, les autres épines centrales de couleur blanche, à section plate, étaient trop longues pour être celles de nyensis. Nous étions en présence de polyancistrus peut-être hybridés nyensis compte tenu principalement de leur spination générale nettement plus blanchâtre que celle, habituellement plus grisâtre, des polyancistrus.
En cette période de l’année, ces spécimens mis à mal avec leur tige à peine gonflée, presque effondrée ou excessivement ridée, ne pouvaient qu’être victimes d’un déficit d’eau et d’humidité. Ils apparaissaient sains, bien ancrés dans le sol à fine texture que l’on découvrait après avoir écarté la couche de débris volcaniques qui les recouvrait en partie : tuf blanc et rose, basalte, pierre ponce… Un sol de prédilection pour l’espèce nyensis que nous devions trouver par la suite. Aucun trou à la base des tiges n’indiquait la présence de scarabée foreur (Moneilema semipunctatum).
Tous venaient de terminer leur floraison, le plus volumineux d’entre eux (le plus âgé aussi ?) portant 11 restes floraux à peine fanés. Aucune formation de fruit n’était engagée. Nous arrivions peut-être une ou deux journées trop tard pour voir cet exemplaire encore en fleur. Un seul spécimen, plus petit, avait encore une fleur entr’ouverte dont les pétales commençaient à être découpés par des insectes. La couleur rose grenat des pétales indiquait que cette fleur commençait tout juste à s’épanouir avant de prendre une couleur rose pourpre à magenta propre à l’espèce.