Les Sclerocactus stricto sensu ne se rencontrent qu’en Amérique du Nord, dans six États fédéraux des États-Unis (Arizona, Californie, Colorado, Nevada, Nouveau-Mexique, Utah). Leur aire de répartition, qui se trouve enclavée entre deux imposantes chaînes de montagnes, la Sierra Nevada (Californie) à l’ouest et les Montagnes Rocheuses (Colorado) à l’est, recouvre le plateau du Colorado et ses alentours. Ce plateau du Colorado peut être considéré comme un bloc homogène d’altitude intermédiaire qui s’insère entre un relief en basin and range de plus basse altitude que lui à l’ouest comme au sud, et les hautes montagnes Rocheuses à l’est. Une sorte de marche d’escalier. Et c’est sur cette marche et dans son prolongement vers l’ouest, le sud et l’est que se rencontrent ces cactées. Ce plateau montre d’abord un formidable patchwork de roches crevassées, fissurées et colorées (red rock country) où s’observent du fait de l’altitude de vastes zones de pins et de genévriers. Les pourtours du Grand Canyon ou du Bryce Canyon en sont des exemples. Mais il donne aussi à voir un grand nombre de zones basses et arides, tels le Painted Desert en Arizona ou le San Rafael Desert en Utah, où s’observe une végétation adaptée à un climat plus sec (broussailles) et dominée par des espèces du genre Atriplex (A. corrugata, A. cuneata) typiques de ce plateau.
Quelques espèces comme S. pubispinus, S. spinosior ssp. spinosior et ssp. blainei s’observent en bordure ouest de ce plateau du Colorado. Ce sont des espèces du désert du Grand Bassin qui n’occupent cependant qu’un pourtour est-sud-est de ce désert, c’est-à-dire les parties basses et les plus sèches de son relief en basin and range. Les espèces les plus occidentales du genre sont S. polyancistrus et S. pubispinus. À l’opposé, les plus orientales sont S. parviflorus et S. glaucus, cactées présentes jusqu’aux limites est du plateau du Colorado, autour des villes de Grand Junction, Delta et Montrose (Colorado). S’il fallait tracer la limite septentrionale du genre, elle correspondrait approximativement à la ligne de frontière qui sépare l’Utah et le Colorado du Wyoming. À l’ouest de cette ligne se trouve Wendover (limite nord de la zone de S. pubispinus) alors qu’à l’est cette ligne longe les Uinta Mountains dont le versant sud marque la limite nord de la zone de distribution de S. wetlandicus et de S. brevispinus (= S. glaucus). Deux reliefs marquent les limites australes du genre : d’une part les San Bernadino Mountains en Californie qui forment une frontière naturelle sud à la répartition de S. polyancistrus ainsi qu’au désert de Mojave, d’autre part les escarpements appelés Mogollon Rim en Arizona qui, situés au sud du plateau du Colorado, constituent une barrière sud à la zone de distribution de S. whipplei ssp. whipplei, espèce la plus australe du genre stricto sensu.
La répartition de ces Sclerocactus stricto sensu couvre des territoires dont les extrêmes sont séparés de l’ordre de 1000 kilomètres ou plus. Entre la ville de Barstow, Californie, en limite sud-ouest de répartition de l’espèce polyancistrus, et la ville de Grand Junction, Colorado, en périphérie de laquelle se rencontre l’espèce glaucus, on comptabilise 1100 km en diagonale à vol d’oiseau du sud-ouest au nord-est. Entre ces deux villes, et mis à part quelques territoires où le genre n’est pas implanté, cette diagonale traverse l’immense zone de répartition de S. parviflorus et de ses sous-espèces havasupaiensis et terrae-canyonae assimilées à l’espèce. De la même manière, entre la ville de Tonopah, Nevada, autour de laquelle pousse S. nyensis et la ville de Durango, Colorado, près de laquelle on peut encore rencontrer S. mesae-verdae, il y a 1000 km d’ouest en est au cours desquels se rencontrent aussi S. spinosior ssp. blainei et S. parviflorus. Dernier exemple : entre la ville de Wendover, Utah, secteur extrême nord de la répartition de S. pubispinus, et l’agglomération de Holbrook, Arizona, près de laquelle se rencontre S. whipplei, la diagonale nord-ouest à sud-est est là encore proche des 1000 km avec cette fois le survol des zones de distribution de S. spinosior ssp. spinosior et toujours de S. parviflorus.
Si quelques espèces du genre, comme S. nyensis, se rencontrent dans des zones de distribution réduites en superficie, la seule espèce parviflorus peut à l’inverse se rencontrer dans plus de 35 comtés des quatre États des États-Unis dont les frontières se rejoignent à Four Corners : Arizona, Nevada, Colorado et Nouveau-Mexique. La répartition de S. parviflorus et de ses sous-espèces s’inscrit presque dans un cercle de l’ordre de 800 km. Le centre de ce cercle pourrait être le site de Fry Canyon en Utah ou le Natural Bridges National Monument tout proche, deux environnements dans lesquels on rencontre des spécimens de terrae-canyonae. Fry Canyon se situe à 120 km à vol d’oiseau au nord-ouest de Four Corners.
Toutes les espèces sont installées dans leurs habitats de manière assez dispersée. Il n’existe pas, sur la plupart des sites, de colonies regroupant un grand nombre de spécimens. On observe plutôt des individus éparpillés, toujours dispersés. S. polyancistrus, dont l’habitat presque essentiellement californien est très étendu, en est un bon exemple au point de porter le nom vernaculaire de « hermit cactus ». Cette dispersion peut avoir de lourdes conséquences en cas de fluctuation même mineure des écosystèmes. Et dans l’aire de répartition de ces Sclerocactus stricto sensu, sept écosystèmes sont dénombrés (Carte 1 ci-contre, source US Environmental Protection Agency). En accompagnement de cette Carte 1 ci-contre, le Tableau 1 ci-dessous présente les étagements en altitude et les zones de végétation dans lesquelles se rencontrent ces espèces dans leurs milieux naturels (source C. Hart Merriam Life Zones Concept). Quatre zones de végétation les accueillent :
- en dessous de 3500 pieds (1066 m), le désert de Mojave; pluviométrie annuelle de l’ordre de 7 à 30 cm (cette zone est aussi celle des désert de Sonora et de Chihuahua dans lesquels les Sclerocactus stricto sensu ne sont pas présents) ;
- de 3500 à 6500 pieds (1066 à 1981 m), d’une part les zones boisées de pins pignons et de genévriers, d’autre part les étendues herbacées semi-arides et « chaparral » (désert du Grand Bassin); pluviométrie annuelle de l’ordre de 25 à 50 cm ;
- de 6000 à 8500 pieds (1829 à 2591 m), la zone de forêts de pins Ponderosa; pluviométrie annuelle de l’ordre de 45 à 65 cm.
Toutes les espèces du genre Sclerocactus stricto sensu se positionnent très largement dans la zone de végétation qui s’étage de 1100 à 1900 mètres. On se trouve typiquement dans – ou très proche de – l’écosystème du désert du Grand Bassin et de celui du plateau du Colorado avec des environnements de broussailles semi-arides, « chaparral » aux basses altitudes, et de pins pignons et genévriers aux plus hautes. S. polyancistrus, en raison de sa large répartition dans le désert de Mojave, est la seule espèce du genre dont l’amplitude des altitudes dépasse, en minimales comme en maximales, les bornes d’altitude associées au désert du Grand Bassin et au plateau du Colorado.
On peut donc retenir que, bien que dispersées au sein d’habitats différents, toutes les espèces du genre Sclerocactus stricto sensu se rencontrent dans un ensemble géographique et climatique assez homogène mais dont les vastes dimensions ont généré des transitions environnementales auxquelles ces espèces ont dû s’adapter. Toutes ces espèces sont soumises à un climat très froid en hiver, reçoivent des précipitations souvent sous forme de neige, puis entrent en végétation dès l’approche du printemps pour très vite fleurir avant l’arrivée de fortes chaleurs accompagnées de vents desséchants, souvent incessants, éléments climatiques peu propices à une forte croissance.