Notes de culture 2016

Sclero parviflorus-Fl31modPremière fleurs

De novembre à février se déroule une période de dormance hivernale, d’arrêt de végétation, pour un très grand nombre de cactées, dont les Sclerocactus. C’est une période privilégiée pour mener à bien des opérations de rempotage. Cette activité a été engagée en serre dès les derniers jours de décembre 2015 et s’est poursuivie sur une durée de 2 mois. Des spécimens âgés, de plus de cinq ans d’âge ou davantage, nécessitaient impérativement un rempotage. La croissance de semis des années 2012 et 2013 commandait aussi un premier changement de pot (je précise « premier changement » car mes semis effectués dans des pots plastique carrés 5×5 cm ne sont jamais rempotés à l’issue d’un an, mais toujours au bout de deux, trois ou quatre ans selon leur pousse.) Sclero glaucus MesaCo-fl76mod

A fin janvier 2016, ces rempotages se trouvaient terminés pour tous les spécimens de Sclerocactus (et aussi de Pediocactus) dont l’entrée en végétation est toujours assez précoce, très souvent dès la mi-février ou fin février. La venue de (bonnes) conditions météorologiques printanières pour une entrée en végétation spectaculaire de ces spécimens n’est arrivée, pour ma part et au nord de la région Rhône-Alpes, que sur le tard par rapport aux années écoulées, notamment 2014. Ce début de printemps 2016 a été chaotique avec des températures assez nettement en-dessous des moyennes saisonnières et une (trop) longue suite de journées à la météo très changeante, un jour avec ciel bleu et soleil alternant avec ciel gris et une journée pluvieuse.

Pedio-bradyi-Fl02mod Tous les spécimens rempotés ont bien accepté leur nouveau substrat. Aucun n’a fait de blocage d’entrée en végétation. Ces cas de blocage se rencontrent parfois, même sur des spécimens adultes et âgés, et affectent tous les genres de cactées. Le substrat utilisé n’est pas foncièrement différent du précédent, toujours exclusivement minéral, mais comporte simplement en mélange plus de « cailloux », principalement basalte, micaschiste et granit décomposé, auxquels sont adjoints un peu moins de terre (granitique) assez fine et de fines particules de déjection de lombrics. Divers éléments minéraux viennent aussi en complément, en petite proportion et au cas par cas: ardoise, pouzzolane, chabasite, gypse… Soit la présence d’un peu plus de poches d’air au sein de ce substrat ou, en d’autres termes, un substrat qui se veut plus aéré.

Sclero cloverae SB1011mod

Par ailleurs, l’attention qu’il est nécessaire d’apporter à la composition et à la confection du substrat m’a amené à rempoter quelques spécimens de Sclerocactus dans des pots, non pas en terre comme j’ai coutume à le faire au sortir du semis, mais exceptionnellement dans des pots en plastique transparent. Le but n’est pas seulement de voir la structure interne qu’offre cette terre de culture mais, surtout et sur une période de trois à cinq ans, d’observer et de suivre la progression dans le sol que peuvent avoir racines et radicelles de ces cactées. A suivre donc…

Substrat Sclero spinosior 01mod

Substrat Sclero wetlandicus 02mod

Ces photographies, ci-dessus et ci-contre, permettent de se faire une idée de la texture davantage « empierrée » du substrat confectionné.

 

Reprise de végétation

Les espèces du genre Sclerocactus montrent un arrêt de végétation qui couvre généralement les mois de juin, juillet et août. Ce phénomène apparaît à l’approche du solstice de juin. Ce fut le cas en 2016. C’est la période du plein été. C’est une période de dormance pour ces cactées, accablées par la chaleur et par une absence de grande amplitude entre les températures diurnes et nocturnes. Les aréoles ne produisent plus d’épines. Les plus jeunes épines tout juste émergées de ces aréoles ont perdu leur turgescence. Aux premiers jours du mois d’août, certains spécimens en culture peuvent ainsi présenter une tige plus ou moins affaissée, ratatinée. Rien d’alarmant à cela. Le phénomène est courant dans leurs milieux naturels.

Cet arrêt de végétation va se poursuivre, le plus souvent, jusqu’au milieu ou la fin du mois d’août. La seconde moitié du mois d’août voit les grosses chaleurs estivales peu à peu s’estomper, le plus souvent en raison de pluies ou d’orages qui amènent de la fraicheur. Le temps change, les températures baissent quelque peu. C’est alors qu’il faut prêter attention à une reprise de la végétation de ces cactées, sachant que celle-ci n’est pas forcément systématique, encore moins cadencée ou attachée à quelques dates du calendrier. Pour ce qui me concerne et sur cette année 2016, les premiers signes de cette reprise se sont manifestés assez tôt, dès la première semaine d’août, sur un spécimen de Sclerocactus cloverae et deux spécimens de glaucus, puis après le 10 août, sur des spécimens de parviflorus et de parviflorus ssp. havasupaiensis.

Au niveau de l’apex, sur les aréoles naissantes, on pouvait y détecter et observer la production d’un nouveau duvet : sa plus forte densité accompagnée parfois d’une couleur plus claire était  le premier signe d’un réveil de végétation. On voyait aussi apparaître de nouvelles pointes d’épines. Cela marquait plus nettement encore cette nouvelle entrée en végétation, comme le montrent ci-dessous les photographies de spécimens en culture (photos au 16 août 2016). A noter les glandes nectarifères de nouveau actives sur le spécimen de cloverae photographié. cloverae-repriseveget4b

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C’est donc tout un travail de suivi et d’observation qu’il faut engager et poursuivre à l’approche ou à partir de la seconde moitié du mois d’août. Mais la (grande) difficulté de la culture des Sclerocactus sous nos climats européens incite à rester prudents dans la reprise des arrosages. Pas de précipitation. En fonction des conditions de culture, si la production d’un nouveau duvet sur les aréoles au plus proche de l’apex a été la seule à être observée, les arrosages pourront attendre la production de nouvelles épines. En d’autres termes, la reprise des arrosages ne va concerner que les spécimens manifestement entrés à nouveau en végétation.

 Au fil des ans, on pourra remarquer que certaines espèces dans le genre reprennent plus rapidement leur végétation. J’ai pu observer que certaines espèces, notamment parviflorus, cloverae ou glaucus, sont souvent les premières à la reprendre. C’est encore le cas cette année 2016. D’autres espèces semblent plus lentes à ce réveil, pubispinus, blainei et spinosior entre autres. Cela se confirme aussi cette année 2016. Leur arrosage a été différé par rapport aux premières : un arrosage intempestif pouvait être malvenu (pourriture des racines).

Les arrosages doivent être modérés. Ils peuvent être faits par capillarité, y compris avec des pots en terre. Pas question de « noyer » les plantes sous prétexte que leur substrat est au sec depuis deux mois ou plus. Dans la journée qui suit cette reprise des arrosages, on est toujours surpris de voir les tiges à nouveau se trouvées bien gonflées. Le système racinaire de ces cactées a tôt fait d’assécher le substrat de leur pot. Le redressement des tiges est d’autant plus spectaculaire que les spécimens sont encore juvéniles et de petite taille. Les photographies ci-dessous d’un Sclerocactus parviflorus encore juvénile montrent le changement qui s’est opéré.

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Avec une grande prudence, ces arrosages modérés vont être possibles au mieux jusqu’à la mi-septembre. Le substrat gagnera à rapidement redevenir sec dans les 48 heures par exemple. Tout va dépendre des conditions météorologiques à venir, et principalement du taux d’humidité de l’air ambiant (degré hygrométrique) qui, entre septembre et octobre, ne peut qu’augmenter. Rappelons que toutes les espèces du genre ont besoin d’une grande aération. Si tout confinement prolongé leur est préjudiciable, une trop forte humidité de l’air peut tout aussi leur être fatale alors que leur substrat est (encore) humide.

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Sclerocactus cloverae, Bloomfield, Nouveau-Mexique

Après une journée passée à la recherche de spécimens de Sclerocactus, il arrive qu’une soirée au restaurant réserve quelques bonnes surprises qui ne sont pas seulement gustatives. Le soir du 1er mai 2014, à Bloomfield, Nouveau-Mexique, nous allons dîner dans un restaurant et nous choisissons de nous installer au long comptoir qui fait face à ses cuisines, au coude à coude avec d’autres clients. Notre commande passée et dans l’attente d’être servi, nous déplions une carte pour revoir notre parcours du jour et parfaire celui du lendemain. Deux hommes, attablés à nos côtés et curieux de nous voir avec cette carte, engagent alors la conversation et apprennent ainsi la passion pour les cactées qui nous amène à voyager dans la région.

Nous leur racontons que nous allons explorer le lendemain des secteurs proches de Bloomfield où nous avons de bonnes chances de trouver des spécimens de Sclerocactus cloverae (S. whipplei ssp. heilii). Nous leur montrons sur notre carnet de route une photo de ce cactus avec sa fleur. Ils ne savent rien de cette plante mais, natifs de Bloomfield et connaissant bien la région, ils nous disent l’avoir déjà vu.

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Dans un premier temps, ils nous déconseillent fortement de nous rendre dans les secteurs que nous souhaitons explorer. Ils sont situés dans une réserve indienne où éclatent depuis quelques semaines des mouvements d’opposition à tout ce qui peut représenter l’Amérique blanche. Nous y risquons des actes de malveillance, vitres de voiture brisées, pneus crevés, voire aussi des actes d’intimidation par armes à feu. Des citoyens américains y ont été récemment blessés. S’aventurer en cette période sur le territoire de cette réserve indienne est donc plus que risqué pour nous. Ils nous disent ensuite avoir le souvenir que les cactus que nous recherchons sont tout autour de Bloomfield et qu’il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour en voir. Ils savent où en trouver. Et de nous donner rendez-vous le lendemain 2 mai, 8h du matin à ce restaurant, pour partager un café puis nous guider en voiture pour voir « nos » cactus ! heilii-img_0899-2014

Ce qui est fait le lendemain matin dans la bonne humeur et avec une grande cordialité. Sauf qu’au bout d’une heure de temps passée en recherches, nous n’avons pas encore vu un seul spécimen de Sclerocactus. Ce n’est pas faute pourtant d’avoir suivi, sans le perdre dans la poussière des pistes, leur gros et rugissant pickup Nissan 8 cylindres de couleur rouge pompier. Ce n’est pas faute non plus d’avoir exploré lors de nos différents arrêts tous les recoins du terrain, y compris des zones bien trop sablonneuses pour espérer y trouver ces cactus. Malgré cette déconvenue, nous ne sommes pas encore inquiets car on voit bien que nos amis à la mémoire défaillante se démènent au milieu de nulle part pour nous trouver « nos » cactus.

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C’est alors qu’ils ont l’idée de joindre par téléphone un de leurs amis qui, ayant participé il y a quelques années à la construction d’une route à proximité de Bloomfield, leur avait raconté avoir vu à cette occasion de nombreux cactus sur le tracé de celle-ci. Des cactus dont la plupart avaient été malheureusement détruits sur place. La chance nous sourit alors doublement : non seulement cet ami se souvient de l’endroit où il est encore possible d’en voir, mais il est aussi désormais à la retraite, libre de son temps. Et de se donner rendez-vous dans le quart d’heure suivant.

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C’est ainsi que le 2 mai 2014, un peu après 10 h du matin, nous découvrons avec surprise, à moins d’une quinzaine de mètres d’une route bruyante à grande circulation et sur une parcelle de terrain libre d’accès, plus d’une centaine de spécimens de S. whipplei ssp. heilii, tous plus beaux et plus spectaculaires les uns que les autres. Des spécimens adultes, des spécimens juvéniles, un très grand nombre portant des fleurs largement écloses compte tenu du ciel sans nuage de cette matinée. Ce n’est que vers 13h30, plus de trois heures plus tard, que nous quittons repus ce lieu magique, la tête pleine de belles visions, tout comme les cartes mémoires de nos appareils photographiques.

Le soir, de retour au restaurant afin que tous puissent voir nos photos, l’un deux nous avoua être passé le long de ce fameux terrain quelques deux heures après nous avoir quitté et, nous apercevant encore sur place, ne pouvoir alors s’empêcher de penser « Sont fous, ces Français !!? ».

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Sclerocactus cloverae (whipplei ssp. heilii)

Sclerocactus cloverae (synonyme whipplei ssp. heiliiest d’une morphologie proche de celle de l’espèce Sclerocactus whipplei (ssp. whipplei). Elle est cependant de plus grande taille que  cette espèce avec une tige courte à cylindrique haute le plus souvent de 13 à 15 cm, jusqu’à 25 cm pour les spécimens les plus âgés, et large de 10 à 12 cm (Flora of North America). Chaque aréole compte 12 à 14 épines au total composées de 4 à 6 épines radiales toutes de couleur blanche, et de 6 à 8 épines centrales couleur jaune paille à ocre blanchâtre.

heilii0934a-2014-BloomfieldElle compte donc moins de radiales (7 à 12 pour l’espèce), mais davantage de centrales (4 à 5 pour l’espèce). Son épine centrale, dite supérieure, est droite à légèrement arquée et de section plus forte que celle typique à Sclerocactus whipplei (ssp. whipplei).

Cette ssp. heilii diffère enfin de l’espèce par ses fleurs de couleur pourpre parfois teintées de brun. Les fruits ovoïdes, de couleur verte à ocre, sont irrégulièrement déhiscents à leur base. La floraison dans son habitat couvre tout le mois de mai habituellement.heilii2Epines

Pour une description plus technique, on pourra se rendre sur le site de Flora of North America

S. whipplei ssp. heilii a été publiée en 1976 dans le Cactus and Succulent Journal (Los Angeles), 48(2) : 79-80, par les botanistes Edward F. Castetter, Prince Pierce et Karl H. Schwerin. Dans la littérature, cette cactée est souvent désignée sous le nom de S. cloverae, parfois improprement orthographié cloveriae (K.D. Heil et J.M. Porter, Haseltonia, 2 :31, 1994). heilii0982a-2014-BloomfieldCe nom de cloverae rend hommage à la spécialiste des plantes succulentes, professeure de botanique dans le Michigan, Elzada Urseda Clover (1896-1980). Elle décrira pour la première fois en 1941 Echinocactus parviflorus qui va devenir Sclerocactus parviflorus. L’appellation S. whipplei ssp. heilii retenue par la nomenclature référence de David Hunt (CITES Cactaceae Checklist, 1999) englobe l’appellation S. whipplei ssp. reevesii.

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