Notes de culture 2020 – Reprise de la végétation
D’une manière générale et pour être réussie, la culture des cactus hors de leurs milieux naturels demande un petit nombre de connaissances qu’il convient de bien respecter. Mais pour certains d’entre eux, dont les Sclerocactus, il faut aussi être capable de faire preuve d’une grande humilité. C’est, une fois de plus, l’enseignement qu’il m’est possible de retirer des premières semaines de culture de l’année 2020.
L’année débute avec seulement quelques gelées en janvier et en février. En bref, l’hiver est peu rigoureux. Le 2 février par exemple, jour de la Chandeleur, le temps est pluvieux et les températures du matin, proches de 10/11°C, atteignent 20°C dans l’après-midi. Ainsi, depuis les derniers jours de janvier, plusieurs spécimens de Sclerocactus en culture, dont les brevispinus, glaucus, cloverae et mesae-verdae parmi les premiers (mais aussi des Pediocactus winkleri, bradyi, paradinei), montrent un départ de végétation au niveau de leur apex : apparition d’un nouveau duvet, émergence de la pointe de nouvelles épines ou encore de boutons floraux.
Un premier arrosage de ces Sclerocactus a lieu les 14 et 18 février, avec une eau de pluie sans ajout d’engrais. Il a lieu en deux phases. Les spécimens les plus petits, installés dans des pots de petites dimensions et dont la tige apparait un peu déprimée, sont servis les premiers. Moins prioritaires, les spécimens plus âgés, plus gros et d’aspect plus robuste, attendent le 18 février. Ces deux dates bénéficient dans la région d’un temps ensoleillé et doux. On relève le 18 février une température de 14°C en extérieur à 15h. Elle atteint 18°C en serre, toutes fenêtres ouvertes. Hygrométrie 33%. Les arrosages restent légers de façon à mouiller le substrat en évitant tout débordement.
Un temps maussade, sans luminosité durant les derniers jours de février, puis une première semaine de mars nuageuse et pluvieuse invitent à être prudent : pas de nouvel arrosage alors qu’un second était prévu fin février. Il n’aura lieu que le 13 mars avec, cette fois, une eau de pluie avec engrais de type NPK 1-2-4 à dose d’1 ml/litre. Malgré ce retard, les premiers Sclerocactus à fleurir sont les brevispinus le 28 février (alors qu’une première fleur s’était déjà ouverte sur un Pediocactus winkleri le 26 février), suivis par des spécimens plus âgés de glaucus le 13 mars, et des parviflorus à partir du 20 mars. Les floraisons des glaucus s’avèrent être plus spectaculaires compte tenu du nombre de boutons floraux à leur apex, jusqu’à huit pour des spécimens âgés comme en témoigne les photographies ci-dessous.
Il arrive que ces premiers arrosages qui marquent les fins d’hivernage soient les éléments déclencheurs de la perte de certains spécimens. Une perte d’autant plus surprenante que ces spécimens peuvent avoir présenté un aspect sain peu de temps auparavant, et même avoir montré un départ de végétation, rien qui laissait présager une issue fatale.
C’est ainsi que j’ai relevé cette année, quelques semaines après le premier arrosage, la perte de deux spécimens de glaucus (SB 1749 De Becque, Garfield Co, CO, semis de 2011, graines Mesa Garden). Leur pousse régulière au cours de l’année écoulée avait été satisfaisante, et leur aspect général en début d’hivernage ne laissait pas soupçonner un dépérissent rapide cinq à six mois plus tard. Le dessèchement de la tige de ces deux spécimens a été très rapide, en l’espace de seulement deux semaines entre février et mars.
Que s’est-il passé ? Une erreur humaine pour les avoir arrosé trop tôt en début d’année ? Non, peu probable, ces deux spécimens avaient nettement montré, comme beaucoup d’autres Sclerocactus, un net départ de végétation. Une contamination par un champignon au cours de l’hiver ? Mais alors pourquoi ces seuls deux spécimens et pas tous les autres auprès desquels ils se trouvaient confinés en hivernage. Une fragilité particulière et cachée, propre à ces deux spécimens ? C’est possible, mais paraît peu probable… Après avoir passé en revue nombre de possibilités, et sauf à faire erreur, je ne peux retenir aujourd’hui que l’erreur humaine de les avoir arrosé une fois de trop (ou trop tardivement ?) cinq mois auparavant avant l’hivernage. Les autres Sclerocactus ont accepté cet ultime apport d’eau, pas eux !
Ce genre de mésaventure amène bien sûr à se rappeler que, toujours et encore, la culture des Sclerocactus sur leurs propres racines reste difficile. Toutes les espèces de ce genre ne supportent pas l’humidité, surtout avec des températures soudainement trop basses. De septembre à octobre, fin de saison de leur période de végétation, les gestes de culture les concernant se doivent d’être très réfléchis et peuvent être lourds de conséquences. Mais il faut apprendre de nos erreurs. Aussi, une observation attentive de ces spécimens perdus peut s’avérer riche en constats qui ne sont pas inintéressants. Six remarques :
1/ Le dépotage de ces glaucus a fait d’abord apparaître un ensemble de racines en bon état sanitaire et, très important, un substrat entièrement sec. Les plantes ont donc absorbé toute l’humidité soudainement apportée.
2/ Les deux spécimens n’ont montré aucune trace de pourriture apparente au niveau de leur collet. Et le terme « apparente » a ici toute son importance. Cette absence de pourriture est curieuse et peu courante. D’habitude, elle « liquéfie » les tissus du collet, tissus extérieurs (cuticule) comme tissus intérieurs (moelle et chlorenchyme parenchymateux) en gagnant peu à peu toute la tige. Or, on constate sur la photographie ci-dessus cette absence de nécrose des tissus qui est habituellement fortement colorée et suintante.
2/ On observe une chevelure racinaire très développée, et même exceptionnellement abondante. Lors du dépotage, cette chevelure, dont les nombreuses extrémités avaient adhéré aux faces internes du pot en terre cuite, s’est rompue. Ce qui explique la présence sur la photographie ci-dessous d’une partie de cette chevelure racinaire détachée du spécimen.
3/ L’importance de cette chevelure racinaire témoigne de la qualité du substrat utilisé. Un substrat exclusivement minéral, composé essentiellement d’un mélange basique de granit, basalte, micaschiste, auquel sont adjoints en quantités limitées un peu de pouzzolane, d’ardoise, paillettes de charbon de bois et déjections finement broyées de lombrics. La photographie ci-dessous montre le substrat contenu dans le pot de ce glaucus. On remarque sa granulométrie. Elle a son importance, amenée à jouer un rôle essentiel dans l’aération de ce substrat et, partant, dans le développement rapide des racines. Ce type de substrat est valable pour la grande majorité des cactées en culture, et tout particulièrement vital pour les genres de cactées difficiles à cultiver comme les Sclerocactus. C’est ce type de substrat qui a favorisé cet important développement de racines, ce qui rend la perte du spécimen encore plus regrettable.
4/ Ce spécimen de glaucus avait une tige hors épines de 5 cm de large et 8 cm de haut. Epines comprises, son envergure mesurait 7,5 cm de large et 9 cm de hauteur. Il se trouvait depuis février 2016 dans un pot en terre cuite d’un volume de 540 cm3. Dans un tel espace réduit et clos (pot de 10 cm de haut, diamètre bord supérieur intérieur également de 10 cm), il est très vraisemblable que la plante s’est trouvée plus vite affaiblie avec des racines se développant de la façon spectaculaire constatée. Dans les conditions de culture observées, les quatre années passées (2016-2019) dans un même pot n’ont pas contribué à la sauvegarde de cette cactée. Une année sans doute de trop. A retenir parmi les gestes de culture essentiels : une rotation plus réfléchie et plus rapprochée des rempotages.
5/ La perte de ces deux glaucus m’a amené à reprendre des notes de culture du début des années 2010 dans lesquelles j’avais noté que la couleur de l’épiderme de quelques spécimens de Sclerocactus (à l’époque également des glaucus) était souvent révélatrice de leur état de santé. Une telle observation doit alerter sur les difficultés que peuvent rencontrer les plantes. La photographie ci-dessus montre clairement une différence de teinte entre les deux spécimens et leur tige. Alors que la partie aérienne du spécimen à la tige la plus claire ne présente aucun symptôme d’une quelconque maladie, c’est sa couleur de tige qui doit faire question. Ce glaucus rencontrait à l’époque un problème au niveau de son substrat. Il demandait un dépotage sans délai. Peut-être était-il possible de le sauver, mais de telles différences de teintes n’avaient pas attiré mon attention. Je n’avais pas appris suffisamment de ces plantes… Alors que le spécimen de glaucus à deux têtes se porte bien à ce jour, celui dont l’épiderme est le plus clair devait dépérir quelques mois plus tard avant son hivernage : pourriture du collet.
6/ Sur un des deux glaucus perdus en ce début 2020, on peut nettement observer que son collet présente une ligne de section assez franche, perpendiculaire à l’axe de la tige, ligne de coupe depuis laquelle partent plusieurs départs de racines. L’explication est que ce spécimen, semé en 2011, a fait l’objet d’un début de pourriture en début d’année 2015. Toute la partie basse et infectée de sa tige, avec ses racines, a alors été coupée et la partie haute et saine de cette tige a été immédiatement repositionnée, sans préalablement laisser sécher la coupe, sur un substrat minéral sablonneux afin de raciner le plus rapidement possible. Ce spécimen a été l’un de ceux qui ont pu être sauvés de cette manière et pour lesquels le développement de nouvelles racines s’est bien déroulé jusqu’en fin d’année 2015, et rempoté début 2016. Il a contribué à expérimenter avec succès la méthode expliquée en 2017, page intitulée « Faire raciner une tige ».