Dans la mesure où leurs périodes de floraison coïncident, les espèces du genre Sclerocactus sont à même de s’hybrider facilement. Ce pourrait être un cinquième handicap et le plus dévastateur, car tous les Sclerocactus stricto sensu apparaissent être inter-fertiles. Cette hybridation qui est connue et très ancienne semble cependant avoir atteint aujourd’hui de grandes proportions pour certaines espèces. Et c’est là un gros problème sur le Plateau du Colorado.
La photographie ci-dessous prise sur un site au sud de la ville de Grand Junction au Colorado montre un spécimen âgé de Sclerocactus porteur d’une couverture d’épines très particulières, sans référence notable à celle d’une quelconque espèce du genre. La majeure partie de ses épines, radiales comme centrales, sont de couleur blanche, jusqu’à être parfois légèrement translucide. Les épines centrales montrent sur certaines aréoles des formes en glaive assez marquées, droites, dont la section n’est pas ronde mais plate. Ces formes d’épines centrales ne se retrouvent pas sur d’autres aréoles, remplacées par des formes arquées, pointant vers le haut de la tige, de section ronde et de couleur noire. La marque d’une hybridation avec l’espèce glaucus ?
L’hybridation dans le genre Sclerocactus (stricto sensu) est connue. Elle est surtout le fait de S. parviflorus dont l’aire de répartition est très vaste. On sait qu’en fonction de leurs environnements locaux, les espèces s’étalent et s’éparpillent. Si certains groupes de plantes disposant de caractères morphologiques suffisamment différenciées et affirmés se retrouvent isolés, c’est alors qu’une spéciation s’effectue sur place. Dans le genre, S. wetlandicus est un vieil hybride entre S. parviflorus et S. brevispinus. De même, S. whipplei ssp. heilii est un hybride entre S. parviflorus et S. whipplei ssp. whipplei. S. havasupaiensis (assimilée à S. parviflorus selon Hunt, Lexicon 2006) est un hybride entre S. parviflorus et S. polyancistrus. Quant à S. sileri, elle apparaît comme étant un hybride entre S. parviflorus et S. spinosior ssp. spinosior.
Pour la botaniste américaine Dorde W. Woodruff, aucune espèce de Sclerocactus stricto sensu ne se trouve aujourd’hui véritablement isolée, en raison d’une hybridation des espèces de petite taille par les espèces de grande taille. Même si, d’une manière générale et comme on a pu le voir dans l’onglet « Répartition des Sclerocactus stricto sensu », les zones de répartition des espèces du genre montrent des espaces assez localisés. Sauf pour l’espèce parviflorus dont la répartition couvre d’immenses étendues et chevauche ou jouxte les secteurs de répartition de presque toutes les autres espèces du genre. Les espèces de petite taille sont S. brevispinus, S. glaucus, S. mesae-verdae, S. nyensis, S. pubispinus, S. sileri, S. spinosior (ssp. spinosior et ssp. blainei), S. whipplei ssp. whipplei et S. wrightiae. Les espèces de grande taille sont S. havasupaiensis, S. polyancistrus, S. wetlandicus, S. whipplei ssp. heilii et S. parviflorus.
Parmi les espèces de grande taille, S. havasupaiensis occupe un territoire si réduit et si isolé qu’elle ne présente qu’un faible potentiel d’hybridation. A l’inverse et du fait de son aire de répartition très vaste, l’espèce parviflorus est au contact d’autres espèces du genre plus limitées en nombre. Les périodes de floraison restent bien sûr déterminantes. Celles par exemple de S. polyancistrus et S. nyensis dont les aires de répartitions se chevauchent à proximité de Tonopah au Nevada.
Dans son texte Sclerocactus nyensis and the Great Basin Desert (2008, Cactus and Succulent Journal Great Britain, vol. 80 (5) 229-231), Zlatko Janeba dit avoir observé en de nombreux endroits et en fonction de l’altitude où sont implantés certains spécimens de ces deux espèces des temps de floraison simultanés sur la période 2004-2007, mais sans avoir cependant détecté d’hybridation. De légères fluctuations climatiques pourraient néanmoins favoriser localement un tel phénomène. En Utah, on peut remarquer sur le terrain que S. wetlandicus est toujours et encore assez variable du fait d’une proximité géographique avec S. brevispinus et aussi en raison d’une introgression constante avec S. parviflorus. Quant à S. whipplei ssp. heilii, sa répartition couvre une partie sud du bassin de la rivière San Juan au Nouveau Mexique sans affecter le territoire où se rencontre S. mesae-verdae.
Au Colorado, l’espèce de petite taille glaucus est dès à présent la plus touchée par ces phénomènes d’hybridation et d’introgression avec l’espèce parviflorus. Pour Dorde W. Woodruff, ces phénomènes sont plus ou moins importants selon les secteurs géographiques de DeBeque, de Dominguez Canyon, d’Escalante Canyon ou de Delta. Les tiges des spécimens concernés sont plus hautes et plus grosses que celles habituellement observées chez l’espèce (pure) glaucus. La couverture d’épines, l’aspect et la couleur de tige de ces spécimens sont cependant bien trop variables de site en site pour qu’il soit possible de trouver dans ces populations une morphologie unique. Ce ne sont non plus de « véritables » glaucus qui sont observées au Colorado mais plutôt, de place en place, des phénotypes, c’est-à-dire des populations ayant l’apparence (les caractères observables) de glaucus plus ou moins fortement hybridées avec S. parviflorus. Des travaux universitaires conduits au Colorado (Natalie Murrow, Frontiers of Science Institute 2011, University of Northern Colorado) ont bien montré cela à travers l’analyse génétique de multiples glaucus. La revue botanique Aquilegia (vol35, n°2) de la Société des plantes natives du Colorado (Colorado Native Plant Society) s’est faite de son côté l’écho en 2011 des travaux de Anna Schwabe (Analysis of choloroplast DNA from Sclerocactus glaucus and Sclerpcactus parviflorus to determine the level of directionality and hybridization between these two species) en soulignant que cette hybridation pourrait être à terme la plus forte menace d’extinction de cette espèce (pure) glaucus.
Les botanistes Kenneth D. Heil et J. Mark Porter exprimaient déjà en 2004 une pareille hypothèse, mais à propos de deux autres espèces, en remarquant une « lente divergence évolutive morphologique entre S. brevispinus et S. wetlandicus » (Sclerocactus in Flora of North America Editorial Committee). Et d’ajouter : « Une menace naturelle importante pour S. brevispinus est qu’elle soit génétiquement submergée par S. wetlandicus plus largement répandue ». Selon Dorde W. Woodruff, les espèces de petite taille sont peu à peu submergées localement par les espèces de grande taille, et notamment par S. parviflorus en raison de son aire de répartition très vaste. Pour elle, la science botanique a le devoir de s’intéresser davantage aux hybrides naturels, et tout particulièrement au sein de ces Sclerocactus stricto sensu. Ils sont l’histoire en marche du genre dans le cours d’une évolution végétale qui ne s’arrête jamais.