Fritz Hochstätter (période 1980-2000)

Dans les années 1980-1990, un nouvel intervenant apparaît dans l’histoire des Sclerocactus stricto sensu, Fritz Hochstätter. Il est né en 1944 et découvre les États-Unis en 1979. Homme de terrain, il y commence un travail de recherche sur les cactées et, avec enthousiasme, va consacrer temps et énergie à la connaissance et classification de deux genres en particulier, les Pediocactus et les Sclerocactus. Et il va donner au second une envergure qu’on ne lui soupçonnait pas au risque de complexifier de façon quelque peu superficielle un genre qui n’en avait déjà pas besoin.

En juin 1980, des équipes de botanistes de la Brigham Young University de Provo (Utah) mènent des recherches dans deux secteurs encore peu explorés du comté de Nye (Nevada), la vallée de Railroad d’une part et les vallées de Ralston et de Hot Creek d’autre part (1985, Great Basin Naturalist).Railroad-Valley-0693-2011 Ils y découvrent en petit nombre des spécimens de cactées assez particulières. D’autres cactées identiques sont trouvées en juin 1981 sur quelques sites plus au sud-ouest, dans les environs d’un lieu-dit nommé Warm Springs situé à une cinquantaine de kilomètres à l’est de la ville de Tonopah, comté de Nye, Nevada. Or, au cours de cette année 1980, les botanistes Stanley L. Welsh et C.R. Thorne observent de leur côté des spécimens dans ce même secteur encore peu exploré de Warm Springs. Fritz Hochstätter raconte dans son ouvrage de 1993, The Genus Sclerocactus. Revised, que les spécimens qu’observent alors Welsh et Thorne ne constituent pas pour eux une découverte car ils les prennent pour une simple forme juvénile de S. polyancistrus.

La première description des cactées trouvées par les équipes universitaires de Provo date de 1985 (Stanley L. Welsh et Kaye H. Thorne, Great Basin Naturalist, Vol.45 (3): 553-555. f.1). blainei3-great-basin-naturalistL’espèce type provient de la vallée de Railroad et d’un site proche du lieu-dit de Currant. On donne à ces cactées le nom de S. blainei qui a pour origine le prénom du fils de Stanley L. Welch, Blaine Tree Welsh, membre de l’équipe opérant dans la vallée de Railroad, et qui avait l’habitude d’accompagner son père dans ses recherches (Dorde Wright Woodruff, Rare Utah cactus turns up at Salt Lake Chapter meeting in Segolily, Newsletter ot the Utah Native Plant Society, Volume 30(2): 6, 2007). Or cette description originale de S. blainei fait référence et englobe les spécimens qui, jugés d’apparence identique, ont été trouvés dans les environs de Warm Springs et aussi à proximité de la ville toute proche de Tonopah. Et parmi ces spécimens en quelque sorte « rassemblés » se trouvent ceux découverts dans ce même secteur de Warm Springs et considérés comme formes juvéniles de S. polyancistrus.

nyensis-WarmS-0574-2013On s’apercevra plus tard que ces formes juvéniles correspondent en fait à une autre espèce à part entière, S. nyensis, qui ne sera décrite qu’en 1992 par Fritz Hochstätter, le nom d’espèce venant du nom du comté de Nye, endémique de la plante. Parce que des explorations botaniques approfondies n’ont pas (encore) été menées dans ces vastes contrées, souvent faute de routes ou même seulement de pistes, mais aussi parce qu’une vision plus globale de la répartition de ces cactées – encore une fois très dispersées – fait défaut, des spécimens de futurs nyensis se trouvent donc malencontreusement mêlés aux spécimens auxquels on vient de donner le nom de blainei. On sait aujourd’hui que des petites populations isolées de S. nyensis sont présentes dans le secteur de Warm Springs, de même que s’y trouvent éparpillées, plus au nord-est, de modestes populations de S. blainei (ou S. spinosior ssp. blainei).

En juin 1983 au Nevada, on découvre aux alentours de la bourgade de Panaca, comté de Lincoln, situé plus à l’est que celui de Nye, une autre cactée très proche morphologiquement de S. blainei. Une population réduite est aussi trouvée dans le Cathedral Gorge State Park tout proche. Elle est décrite en 1986 sous le nom de S. schlesseri du nom de son découvreur, D. Schlesser (Heil & Welsh, Great Basin Naturalist, Vol.46 (4):677-678). Cathedral-Gorge1060-2011Compte tenu de leur morphologie et de leur habitat, ces spécimens sont rapprochés de l’espèce spinosior ssp. spinosior qui se rencontre dans des secteurs proches en Utah. Ils ressemblent beaucoup à cette espèce mais s’en distinguent d’abord par leur habitat situé plus à l’est et sud-est et ensuite par des fleurs plus largement ouvertes. Ils portent aussi, ce qui est remarquable, une plus longue épine centrale érigée vers l’apex, de section aplatie, et dont la quasi-totalité de la longueur est très souvent torsadée à la manière d’un ruban. Le nombre total d’épines centrales de ces spécimens va jusqu’à 7, ce qui est le nombre le plus souvent rencontré sur S. polyancistrus.

blainei-0844-2013La découverte de ces spécimens nouveaux dans des secteurs géographiques proches les uns des autres (à l’échelle de la répartition du genre) amènent cependant Fritz Hochshstätter à publier deux descriptions. Une première en 1992 portant sur S. spinosior var. schlesseri (Heil & Welsh), une seconde en 1995 portant sur S. spinosior ssp. blainei (Welsh & Thorne) ex schlesseri (Succulenta (Netherlands) 74(1) : 38-44). La morphologie des spécimens observés par Kenneth D. Heil près de Panaca étant quasi similaire à celle des spécimens trouvés à Currant et Warm Springs, le nom d’espèce blainei publié antérieurement et valablement à celui de schlesseri est retenu. Fritz Hochstätter publie aussi en 1992 la description de S. nyensis sur la base de cactées observées à Warm Springs (Revision Sclerocactus, Succulenta (Netherlands) 71(6) : 253-255). Il précise dans son ouvrage de 1993, The Genus Sclerocactus, Revised, que d’autres S. nyensis se trouvent isolées au sud de Tonopah, englobées dans l’extrême nord de la grande zone de distribution de S. polyancistrus. Il n’y a pas selon lui d’hybridation entre S. nyensis et S. polyancistrus, leur période de floraison étant différente.

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Sclerocactus nyensis


Sclerocactus nyensis
montre habituellement une tige globulaire à courte cylindrique de 4 à 8 cm de diamètre et 5 à 12 cm de hauteur, de couleur vert sombre. Les épines, au nombre total le plus souvent de 15 par aréole, mais pouvant aller jusqu’à près de 20, masquent très efficacement la tige. Nyensis0571-2013-WarmSprings

Les épines centrales, au nombre de 6 à 8 par aréole, comptent 3 à 5 épines pointées vers le bas de la tige ne dépassant pas 6 cm de long, avec pointe en hameçon, et 1 à 2 épines pointées vers l’apex, blanches à pointe droite, longues jusqu’à 4,5 cm, et de section plate large de 1,5 à 2 mm. S. nyensis présente, selon les populations, des différences morphologiques qui la rapprochent de S. spinosior ssp. spinosior ou parfois de S. pubispinus. Elle diffère toujours cependant de ces espèces par un nombre plus élevé d’épines centrales (6-8).

Nyensis0433-2013-WarmSprings
Nyensis0368-2013-WarmSpringsLes épines radiales, au nombre également de 6 à 8 par aréole, blanches et droites, mesurent 1 à 2 cm de long. Les fleurs diurnes, apicales, de forme campanulée, sont de couleur rose-pourpre à magenta. Les fruits ovoïdes, qui ne dépassent pas 2 cm de long, sont de couleur verte ou rouge pâle pour devenir ocre à maturité et irrégulièrement déhiscents à leur base. Dans son habitat, la floraison de S. nyensis intervient au mois de mai.

Pour une description pluscomplète et technique, on pourra se rendre sur le site de Flora of North America.Dia-Epines-nyensis2

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Sclerocactus nyensis, Warm Springs, Nevada

La photographie ci-dessous de Sclerocactus nyensis a été prise le 29 avril 2013 du côté de la bourgade fantôme de Warm Springs dans le comté de Nye au Nevada, à 1577 m d’altitude. Pour découvrir des spécimens de cette espèce, nous avons dû arpenter minutieusement des sols impossibles sur plusieurs kilomètres.

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Car cette espèce très rare ne prospère que dans une terre particulière qui est l’une des principales composantes de son endémisme. Un substrat à la granulométrie très fine issu essentiellement de dépôts et roches volcaniques. Sur ce type de sol, la végétation est très limitée, voire inexistante. Les seules cactées rencontrées lors de cette journée, accompagnatrices de ces nyensis, ont été des Echinocereus engelmanii et des Opuntia echinocarpa et erinacea.

Il n’est pas exagéré de dire que la vision de spécimens de Sclerocactus nyensis dans leur milieu naturel relève de la chance. D’abord parce qu’il convient de mener ses recherches dans des secteurs très ciblés, aux bons endroits, au milieu de vastes paysages arides, parfois au milieu de « nulle part ». Et beaucoup de secrets et de silences, pour la plupart compréhensibles, voire justifiés, entourent la localisation de ces plantes. Ensuite parce que ce ne sont pas des cactées qui peuvent s’apercevoir de loin et pas même à quatre ou cinq mètres de distance. Elles sont de petite taille et de forme globulaire à courte cylindrique. Une forme qui mesure 4 à 8 cm de diamètre et 5 à 12 cm de diamètre au stade adulte (Traits caractéristiques, espèce par espèce).

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Cette tige est toujours solitaire et ne forme aucun rejet avec l’âge. Enfin, cette tige n’est que peu gonflée du fait de l’aridité qui prédomine une grande partie de l’année dans leur habitat. Elle se trouve rétractée dans le sol et donc dissimulée par une couche plus ou moins épaisse de fragments minéraux, tuf, rhyolite et autres roches volcaniques, qui recouvrent le sol. Des petites plantes ne peuvent donc que très difficilement se voir sous ces gravillons hétéroclites et échappent à toute recherche. Nyensis0386-2013

La seule période durant laquelle il est possible d’apercevoir ces Sclerocactus nyensis est leur période de floraison,  habituellement de la fin avril à la mi-mai. Leur tige, gonflée par des pluies printanières, émerge plus nettement du sol. Avec encore et toujours un peu de chance, ce ne sont pas à proprement parlé les tiges de ces cactées qui s’aperçoivent alors, mais leurs fleurs roses si ces dernières sont ouvertes. A l’issue de cette journée du 28 avril 2013, nous avions pleinement conscience d’avoir pu voir par chance une dizaine de nyensis en fleur, ce qui est déjà beaucoup, alors que d’autres spécimens non encore en âge de fleurir avaient très certainement échappé à nos recherches. 

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