Sclerocactus sileri, Vermilion Cliffs Nat. Mon., Utah

Grâce à leur angle de prise de vue, certaines photographies de plantes permettent d’en observer la morphologie de manière plus détaillée et mettre en lumière les « relations » qu’elles peuvent entretenir avec leur environnement et le sol qui les porte. Ainsi en est-il de la photographie ci-dessous d’un Sclerocactus sileri dans son habitat. Un spécimen de sileri vu au ras du sol. Tel qu’il pourrait être perçu par les yeux d’un lézard familier des lieux. Un Phrynosoma platyrhinos par exemple, lézard pourvu d’une « gueule d’enfer », très répandu en Arizona où pousse ce Sclerocactus. Le nom commun donné à ce lézard, « desert horned lizard », fait références aux deux ou trois cornes typiques qu’ils possèdent à l’arrière de la tête. C’est un expert en camouflage. Les couleurs de son corps, en particulier celles de son large dos aplati et écaillé, se confondent avec les couleurs du sol environnant…1118a-2015-sileri

Mais revenons à notre Sclerocactus sileri qui montre des tubercules bien gonflés. Nous sommes au mois de mai et ce spécimen est entré en végétation il y a un peu plus de deux mois. Il est installé dans un espace dégagé, une zone de pins de petites tailles et de genévriers très clairsemés. D’où une lumière qui pénètre partout. Il est dit dans la littérature sur les sileri qu’ils affectionnent aussi les étendues d’herbes rases qui n’offrent pratiquement aucune ombre. Comme tous les Sclerocactus, cette espèce pousse en plein soleil dans des espaces ouverts et sans la nécessaire présence d’une plante accompagnatrice et protectrice au cours de ses premières années d’existence. L’environnement de pins et de genévriers indique que c’est une plante d’altitude. Dans le Journal de l’Académie des Sciences d’Arizona-Nevada (Cactaceae, Part Five. Pediocactus and Sclerocactus. Vol. 33(1) :12-18, 2001), Kenneth D. Heil & J. Mark Porter écrivent qu’elle se rencontre entre 1360 et 1800 mètres d’altitude. Le site internet Flora of North America mentionne 1600 à 1700 m. Or, le spécimen ici photographié se trouvait à 1868 mètres d’altitude. Allez savoir… 1118-2015-Sol1sileri

Il y a ensuite le sol constitué d’un sable grossier et limoneux. La photographie permet de se faire une idée première de sa granulométrie : 1 à 2 mm au maximum. Les sileri poussent préférentiellement dans ce type de sols (voir aussi la page «Sclerocactus sileri, Coconino Co., Arizona»). Leur tige s’y trouve le plus souvent partiellement enfoncée. Un rapport au sol, une préférence édaphique qui amènent ces cactées à supporter, au fil des saisons et de leur phénologie, quelques rapports de forces avec les éléments. Dans leur fragile habitat, le vent et l’eau peuvent vite devenir très perturbateurs, voire destructeurs. Au vu de la photographie, on soupçonne que la tige de ce spécimen – tige naturellement de forme globuleuse sur les sileri avec un sommet légèrement déprimé – est pour moitié recouverte de sable. Vérification faite, elle mesurait 7 cm de diamètre (hors épines) et n’émergeait du sable que de 3 cm (toujours hors épines), c’est-à-dire un peu moins de la moitié de sa hauteur de tige.

1118-2015-Fl3sileriOn peut voir sur le sol, à gauche de la tige, deux restes floraux d’une précédente floraison, celle de l’année passée sans doute. Des vestiges entravés par d’anciennes épines en partie recouvertes par le sable. Ces restes floraux sont encore presque intacts et simplement noircis. Ils témoignent d’un air sec, peu chargé en humidité.

Les dernières fleurs viennent tout juste de se fermer. La photographie prise au ras du sol permet de voir plus nettement l’envers des sépales et des pétales. On distingue sur les pétales une large bande médiane rosâtre à brunâtre et d’étroites marges jaune clair. Ces pétales montrent ici un aspect encore soyeux et leurs couleurs sont toujours vives. Mais plus pour très longtemps. Sur cet exemplaire, le revers des pétales montrait une couleur jaune clair avec une bande médiane légèrement rosée, la base de ses pétales étant d’un jaune plus soutenu. 1118-2015Cig1sileri

Les pétales des sileri mesurent 1,5 à 2,5 cm de longueur. Le fait de voir le stigmate jaune vif de chacune des fleurs alors que leurs pétales sont repliés n’est pas naturel. Ces stigmates encore visibles et qui n’ont plus vocation à recevoir de visiteurs ne trahissent pas une longueur exceptionnelle du style des fleurs de sileri, mais uniquement un grignotage de la pointe des pétales par des insectes qui en apprécient la texture. En cause peut-être la jeune cigale posée sur l’un des pétales et qui s’est invitée sur le cliché à l’insu du photographe. Il existe plusieurs espèces de cigales dans l’Ouest des Etats-Unis et celle-ci pourrait être, en raison de sa couleur, une très jeune Diceroprocta apache.

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Sclerocactus sileri, Coconino Co., Arizona

Pour espérer découvrir des spécimens de Sclerocactus sileri, il faut d’abord « voir rouge ». Nous parlons ici de substrat, de sol, et aussi de paysage. Parce que cette cactée se cache parmi les spectaculaires et très vastes paysages du Monument National des Collines Vermillon en Arizona (Vermilion Cliffs National Monument). C’est le seul milieu naturel qu’on lui connaisse, au sein de la longue bande de terre semi désertique appelée Arizona Strip qui fait frontière avec l’Utah. Sileri-1098-2015

Les collines qui donnent leur nom à ce parc se caractérisent principalement par des falaises qui font apparaître différentes couches géologiques sédimentaires très fortement colorées. Selon la lumière et la couleur du ciel, ces collines et leurs falaises y montrent une extraordinaire palette de teintes rougeâtres à orangées (oxyde de fer et autres minéraux). Si la pierre et la roche portent les teintes et les nuances les plus intenses, les plus flamboyantes, elles laissent des ocres teintés de rouge, de rose et de grenat à la terre et aux nombreuses poches de sable disséminées çà et là dans les moindres recoins du paysage. C’est dans ces poches de sable que poussent préférentiellement les Sclerocactus sileri.

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On remarque que la grande majorité de ces spécimens se trouve installée à proximité immédiate de roches massives qui affleurent au-dessus du sol comme autant de vagues figées. Ces roches sont d’origine sédimentaire et proviennent de vastes dunes qui caractérisaient une partie du sud-ouest des Etats-Unis il y a de 180 à 60 millions d’années. Le sable de ces dunes s’est peu à peu cimenté en se mélangeant avec du limon et divers sédiments pour former un matériau dur. Ces roches sont très érodées et ont pris des formes douces, mais leur surface demeure toujours un peu granuleuse.

Sileri-1131-2015Dans cette roche, de très nombreux creusets, petits ou grands, ont été formés par l’érosion, creusets dans lesquels viennent s’accumuler les particules les plus fines de cette érosion, petits graviers, sables et limons. Même s’ils sont de dimension réduite, ces creusets, ces poches, sont des emplacements privilégiés pour les plantes car s’y forme une structure complexe et fertile qui a aussi la particularité de conserver un peu plus longtemps une humidité qui peut être bienfaitrice. L’ensemble donne parfois l’impression que ces cactées poussent sur de la roche mais, en fait, elles poussent dans un véritable substrat qui, lui, repose sur la pierre, mais sans bénéficier toujours d’une grande profondeur.

Parmi les spécimens adultes de Sclerocactus sileri (plus d’une vingtaine) observés en date du 1er mai 2015, certains avaient leur tige en partie recouverte de sable pur dont la granulométrie peut être appréciée en cliquant sur la photographie ci-dessus à droite. Pour un certain nombre de sileri, le haut de tige émergeant du sable ne dépassait pas, hors épines, les 3 à 4 cm de hauteur. Mais d’autres spécimens avaient une tige plus apparente qui dévoilait sa forme habituellement ovoïde. Tous ces spécimens montraient une panoplie d’épines (radiales et centrales) blanchâtres ou légèrement grisâtres offrant parfois quelques reflets argentées. Sileri-0990-2015

Au niveau de l’apex, les jeunes épines centrales étaient souvent de couleur très sombre alors que l’épine centrale supérieure montrait plus souvent une couleur ocre ou blanchâtre. La structure de ces nouvelles épines se déshydrate cependant rapidement et les teintes sombres qu’elles peuvent avoir à leur stade juvénile disparaissent très vite pour être remplacées par des couleurs proches de l’ambre ou plus nettement blanchâtres. Les épines radiales sont toujours de couleur blanche.

Un spécimen en particulier a attiré notre attention : un très bel exemplaire à deux têtes (tiges). La plante âgée, installée dans une vaste poche de sable pur, s’étalait sur une longueur d’environ 13 cm hors épines. Les deux tiges avaient un même diamètre proche de 7 cm pour une hauteur chacune de l’ordre de 5 cm toujours hors épines. La plante était en train de terminer sa floraison (7 à 6 fleurs sur chaque tige). Une seule et dernière fleur en forme de clochette, pétales blanc rosé avec un cœur jaunâtre, était encore ouverte au sommet de l’une de ses tiges (plus de détails : Traits caractéristiques, espèce par espèce : Sclerocactus sileri). Sileri-1005-2015

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Sclerocactus sileri

 Sclerocactus sileri présente une tige habituellement solitaire, de forme globuleuse à ovoïde, couleur vert sombre, large de 3 à 6 cm, haute de 4 à 6 cm. Apex légèrement déprimé ou en creux. Cette tige peut devenir courte cylindrique avec l’âge et atteindre 8 cm de hauteur. Les côtes sur la tige, au sommet de ces tubercules, sont bien différenciées et présentent des tubercules proéminents. Les aréoles garnies de feutrine portent un total de 10 à 15 épines. On compte 6 à 9 épines radiales longues de l’ordre de 0,5 à 2 cm, de section ronde, de couleur blanche avec parfois une pointe légèrement brunâtre. Leur disposition en forme de croix rappelle la disposition des épines radiales des Sclerocactus pubispinus et spinosiorsileri-1046-2015

Les épines centrales sont habituellement au nombre de 4, de section forte et ronde, sauf une de section aplatie. La plus longue de ces épines centrales pointe perpendiculairement à l’axe de la tige et peut mesurer jusqu’à 6 cm de longueur. Elle dispose d’une pointe recourbée en forme d’hameçon. Sa couleur est variable, le plus souvent blanche ou grise, mais peut montrer à son stade juvénile une couleur pourpre ou brun rougeâtre à noirâtre. Elle perd cette couleur sombre assez rapidement. La partie supérieure de l’aréole porte trois autres épines centrales. Deux d’entre elles, à pointe droite, érigées en forme de V en direction de l’apex, mesurent jusqu’à 3 cm de longueur. Elles montrent habituellement une couleur sombre, assez pérenne, brun rougeâtre à noirâtre, dès leur stade juvénile. Dia-epines-sileri1

Prenant naissance au sommet de l’aréole, entre ces deux épines de couleur sombre, une autre épine centrale pointe vers le haut de la tige. Elle est longue de 3 à 5 cm et se caractérise par une section plate pouvant atteindre 2 mm à sa base. Elle est de couleur variable dès son stade juvénile, brun sombre ou crème ou blanchâtre. Pointant toujours vers l’apex, elle peut être droite à la manière d’une dague. En se trouvant presque plaquée contre la tige, elle prend le plus souvent une forme incurvée, arquée, mais jamais torsadée. La disposition et la forme particulières de cette épine à section plate rappellent celles de l’une des épines centrales présente notamment sur Sclerocactus whipplei. Sur certains spécimens, toutes les épines centrales peuvent montrer à leur stade juvénile une couleur brun rougeâtre à noirâtre. Couleur qu’elles perdent avec l’âge pour une couleur ocre clair, crème ou gris argent. Les photographies de quelques spécimens sur site montrent bien cette aspect. sileri-1109-2015

Les fleurs diurnes, en forme de clochette, portent des pétales de couleur blanche rosée à jaunâtre, couleurs de fleur qui peuvent être proches de celles rencontrées encore sur les fleurs de Sclerocactus whipplei. Etamines de couleur jaune, nombreuses, style et stigmate (extrémité du pistil) de couleur jaune. Floraison dans l’habitat de la fin avril à la fin mai. Les fruits sont déhiscents, de couleur verte virant au brun clair en séchant. Les graines sont le plus souvent d’une couleur noire brillante.

La zone de répartition de Sclerocactus sileri se limite à une aire restreinte du comté de Coconino, en Arizona, à proximité de la frontière avec l’Utah, entre 1700 et 1900 m d’altitude. Les spécimens se rencontrent dans des environnements d’herbes basses ou dans des zones de genévriers et de pins de petite taille, sur des sols sablonneux de couleur rougeâtre qui sont plus ou moins chargés en roches (sandstone) et graviers. Dans quelques secteurs de son aire de répartition, c’est une espèce qui montre des signes évidents d’hybridation avec Sclerocactus parviflorus.

Pour une description plus complète et plus technique, on pourra se rendre sur le site de Flora of North America.

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