Aller à l’essentiel… avant d’en savoir plus

Les informations contenues dans cette page et celles qui lui sont attachées reprennent en partie le texte des articles parus dans les numéros 1,2,3 et 4/2014 de la revue Terra seca, articles intitulés « Sclerocactus stricto sensu, histoire et territoires »).

 

Pourquoi « Sclerocactus stricto sensu » ?  VermilionCliffs-0016a-2010Il y a plusieurs dizaines d’années, nous avons été amenés à parcourir l’Ouest américain pour la beauté de ses paysages mais aussi par penchant pour l’aventure. Et très vite à découvrir, dans leurs milieux naturels et parmi d’autres cactées, celles du genre Sclerocactus. Des cactées installées sur des sols souvent surprenants, impossibles, dans des environnements magnifiques et spectaculaires. Disséminées au gré des paysages que nous traversions, affublées pour la plupart d’une couverture d’épines à nulle autre pareille, elles nous sont devenues peu à peu familières et ont perdu de leur mystère, mais sans jamais cesser de nous intriguer. Au point bientôt de nous amener à les rechercher, à en faire le but de nos escapades pour en découvrir le plus grand nombre possible, pour les étudier, et en parler valablement.

C’est parce que nous avons arpenté depuis longtemps et presque en tous sens leur habitat, leurs territoires, que nous nous en tiendrons à une définition du genre au sens étroit du terme que nous appellerons Sclerocactus stricto sensu. Ceci dans un premier temps.

Car, depuis de nombreuses années, les avancées scientifiques de la biologie, science du vivant,  impactent la connaissance que nous avons du monde végétal. La botanique qui se rattache à la biologie voit donc ses contours évoluer de façon permanente. Au point que des informations apportées par de nouvelles études ou par des découvertes peuvent conduire à modifier certaines des classifications établies de longue date par la botanique traditionnelle. Et à faire évoluer la taxonomie.

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C’est ainsi que, par exemple, sur la base d’études phylogénétiques moléculaires des séquences d’ADN, des relations plus ou moins fortes ont pu être établies entre les cactées du genre Sclerocactus et celles des genres Toumeya, Echinomastus, Ancistrocactus. Parmi les travaux les plus connus se trouvent ceux des botanistes américains Kenneth D. Heil et J. Mark Porter, dont celui intitulé « Relationships between Sclerocactus and Toumeya (Cactaceae) based in chloroplast trnL-F sequences » (Haseltonia 7 :8-23, 2000).

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Les résultats de ces études ont été diversement appréciés et acceptés, amenant nombre de botanistes à s’opposer souvent et de manière subjective. D’un côté les rassembleurs (les « lumpers » en anglais) soucieux de rapprocher des taxons montrant suffisamment de traits morphologiques similaires pour que passent au second plan leurs différences. Certains taxons voient alors leur nom en propre devenir le synonyme du nom de l’espèce dont ils sont le plus proche, espèce qui a été la plus ancienne à avoir été valablement décrite. De l’autre côté, les diviseurs (les « splitters » en anglais) soucieux au contraire de bien distinguer chaque taxon par un nom qui lui soit propre en créant de nouvelles espèces sur la base de leurs plus minimes différences.

Si les rassembleurs, partisans d’un genre au sens large du terme, ont estimé que le genre Sclerocactus devait désormais englober ces « anciens » genres Toumeya, Echinomastus, Ancistrocactus, les diviseurs, gardiens d’un genre au sens étroit du terme, refusaient un tel amalgame… Nous n’entrerons pas dans ce débat. Cependant si nous nous en tenons dans un premier temps, et pour les raisons évoquées précédemment, aux Sclerocactus stricto sensu, il est vraisemblable qu’une nouvelle classification nous amènera, tôt ou tard, à élargir le champ… de nos aventures.

Quelles sont ces cactées ?

Sur la base de la nomenclature de David Hunt (The New Cactus Lexicon, 2006), nous nous intéressons aux espèces suivantes : glaucus, mesae-verdae, nyensis, parviflorus, parviflorus sous-espèce (ssp.) havasupaiensis, parviflorus ssp. terrae-canyonae, polyancistrus, pubispinus, spinosior, spinosior ssp. blainei, whipplei, whipplei ssp. heilii (appelée aussi Sclerocactus cloverae), wrightiae.

Mais parce que cette nomenclature publiée il y a près de 10 ans apparaît aujourd’hui incomplète pour rendre compte de tous les Sclerocactus stricto sensu, nous nous intéressons aussi à trois autres espèces. Aux espèces wetlandicus et brevispinus qui ont fait l’objet après 2006 de nombreuses études conduisant à en faire des taxons à part entière alors que, dans cette nomenclature, elles se trouvent encore assimilées à l’espèce glaucus. Et nous nous intéressons également à l’espèce sileri, non présente dans cette nomenclature, mais dont la situation taxonomique très longtemps confuse, obscure et incertaine, se trouve peu à peu éclairée par des travaux spécifiques qui en font une espèce à part entière qu’il n’est plus possible d’ignorer.

Que retenir pour aller à l’essentiel avant d’en savoir plus?

whipple- heilii-109-2008Le botaniste américain Kenneth D. Heil a beaucoup écrit sur les Sclerocactus. Dans l’un de ses écrits, le Mesa Verde Cactus Recovery Plan réalisé pour l’U. S. Fish and Wildlife Service en 1984, il indique que l’espèce mesae-verdae, à quelques différences près, est morphologiquement très proche d’une autre espèce, S. wrightiae. Il relève dans son propos le fort endémisme de ces deux cactées ainsi que leurs affinités édaphiques en précisant que « les deux sont gypsophiles occupant des niches similaires et séparées de quelques 140 miles» (soit 225 kms). Et de rappeler que son homologue botaniste, Lyman D. Benson, écrivait en 1966 que « S. wrightiae constitue le jalon (« the connecting link ») entre S. mesae-verdae et S. whipplei ».

Un jalon. Un lien intermédiaire. Voilà bien les termes qui permettent de dépasser la notion d’espèce pour découvrir, au sens biologique du terme, la notion de population. Et donc de mieux cerner ces Sclerocactus stricto sensu. Car, venant appuyer cette notion de population, ces cactées sont disséminées au sein d’un vaste ensemble géographique et climatique assez homogène. Leurs différents habitats ne présentent pas entre eux wetlandicus-0040-2014de rupture climatique majeure mais des transitions environnementales auxquelles elles se sont remarquablement adaptées. Et de nombreux traits morphologiques les relient assez fortement entre elles. Pour ces raisons, ces Sclerocactus stricto sensu forment un groupe distinct de cactées pouvant être considérées comme une continuité d’espèces attachées à des territoires qui correspondent aux espaces les plus septentrionaux d’un genre appelé à repousser ses limites australes, c’est-à-dire d’un genre Sclerocactus élargi.

On peut dire, pour aller à l’essentiel et en terme de synthèse, que les espèces du genre Sclerocactus stricto sensu, toutes caractérisées par un fort endémisme, par des préférences édaphiques marquées, mais aussi fragiles par quelques aspects de leur phénologie et affectées par une hybridation déterminante pour leur évolution, forment une population distincte de cactées remarquablement adaptées à leur environnement.

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