Le substrat

La composition du substrat a évolué avec le temps, car ma culture des Sclerocactus sur leurs propres racines s’est d’abord calquée sur celle que je pratiquais déjà sur les seuls Pediocactus (simpsonii, knowltonii, despanii, …). Ce substrat se composait :

  • de terre franche de ph 6,5 à 7 à fine texture ;Melange-cactees06
  • d’un amendement organique du commerce également à fine texture ;
  • d’un apport de fins graviers issus d’un concassage de schistes, grès, granit en décomposition ou de minéraux plus spécifiques afin de se rapprocher le plus possible de l’environnement minéral naturel propre à certaines espèces. Par exemple, mélange minéral calcaire riche en argile ou fortement gypseux pour semis et culture de Sclerocactus mesae-verdae ou de wrightiae (ou encore de Pediocactus sileri et P. bradyi ssp. winkleri);
  • d’un apport, mais en plus faible proportion que les éléments précédents, de déjections finement broyées de lombrics. Ces déjections, sous forme de tortillons que l’on peut voir très souvent affleurer à la surface du sol de nos jardins, sont une transformation de matières organiques en matière minérale. Elles constituent une structure stable et poreuse mais aussi et surtout très fertile. Plus qu’un simple engrais, ces déjections sont l’un des amendements les plus riches qui soient pour le jardinage en général. Elles apportent une activité microbienne bénéfique aux plantes et leur fournissent des éléments nutritifs essentiels disponibles sur une longue période de temps.webSpinosior-Nevada

Avec le temps, la culture des Sclerocactus m’est apparue plus difficile que celle des Pediocactus. La perte de plusieurs spécimens n’était pas due à nos conditions climatiques souvent peu propices à favoriser leur croissance, ni à une conjonction humidité/froid que redoutent tout particulièrement ces deux genres, ni même encore à des arrosages inappropriés. Pour enrayer mes pertes, j’étais allé jusqu’à favoriser pour des plantes matures des arrosages exclusivement par capillarité avec un volume d’eau calculé pour que cette eau ne remonte pas jusqu’à la terre de surface des pots et n’humidifie pas le collet toujours très sensible de ces cactées…

webPubispinus-NevadaOn peut observer aux Etats-Unis l’étonnante diversité des sols sur lesquels poussent les Sclerocactus. Des sols ingrats, majoritairement alcalins, calcaires ou argileux, parfois aussi volcaniques, basaltiques, ou encore granitiques. Des sols le plus souvent caillouteux mais pas seulement. J’avais tiré de ces différentes visites plusieurs observations. Parmi elles le constat que ces cactées ne poussent que sur des sols extrêmement stables, jamais sur des sols trop souples où peuvent se rencontrer des Opuntia, ni même jamais sur des sols excessivement rocailleux où s’observent souvent des Echinocereus engelmanii. Autre constat déterminant, mais avec quelques exceptions car certains spécimens d’espèces, telles S. polyancistrus ou S. brevispinus notamment, se rencontrent aussi en terrains plats, les Sclerocactus poussent généralement sur des sols à faible ou très faible pente, parfois en rebords de mesas, mais le plus souvent sur les parties les plus basses ou au pied de collines, là où l’érosion est en voie de terminer son ouvrage.

En creusant sur quelques 5 à 10 cm de profondeur tout à côté des plantes, on peut aisément se faire une idée de la compacité de la terre. On y remarque d’abord l’absence totale d’humus ou de débris végétal. Elle est essentiellement minérale. Les débris végétaux de toutes sortes, qui ne manquent pas de joncher le sol, semblent ne jamais s’y trouver enfouis. S’ils ne se trouvent pas d’abord consommés par divers petits animaux ou par des insectes, ils sont alors éclatés par le froid, brûlés par le soleil, se désagrégeant lentement à sa surface pour disparaître peu à peu en très fines particules. Sèche, cette terre est très poussiéreuse. Elle est aussi encombrée de pierres et de cailloux de dimensions diverses et dont certains recouvrent le sol d’un dallage hétéroclite. Mais une fois qu’elle en est sommairement débarrassée et qu’elle roule et coule dans votre main, on ne peut qu’être surpris et intrigué par son extrême finesse et même, par endroits, sa pulvérulence, tant les doigts de votre main ne parviennent plus à en évaluer la finesse.webSpinBlainei-Nevada

L’extrême finesse de cette terre et cette pulvérulence sont assez surprenantes pour le fragile système racinaire de ces cactées. On imagine à tort des effets « ciment » emprisonnant et étouffant les racines. On est au contraire en présence d’une terre compacte mais légère, toujours aisément friable, fragmentable, et qui ne colle pas, ce qui se vérifie lorsqu’elle est humide en profondeur. En bref, elle présente un aspect limoneux qui se nourrit à l’évidence de l’érosion ultime des roches comme elle se nourrit aussi de la décomposition ultime des végétaux. Le sol des parties basses des collines présente notamment de telles caractéristiques, de même que les sols plats très limoneux où se rencontrent des spécimens de S. polyancistrus au Nevada ou des S. spinosior en périphérie d’anciens lacs asséchés (lac Sevier) ou encore des S. brevispinus et S. wetlandicus dans le comté de Duchesne en Utah.

Ces observations m’ont donc amené à modifier le mélange de culture que j’utilisais et, pour les Sclerocactus, à éliminer totalement terre de jardin et amendement organique pour recomposer un mélange qui, grâce à sa texture, a l’avantage de sécher très vite. Avec cinq années de recul, un tel mélange semble mieux correspondre aux besoins de ces Sclerocactus stricto sensu. Il m’apparaît à ce jour être un bon compromis propre à satisfaire une culture sur racines d’espèces dispersées au sein d’habitats différents, souvent très spécifiques. Il réunit trois éléments en parts égales :

  • du sable limoneux le plus fin possible collecté en bord de rivière ou de fleuve ;
  • un apport de graviers issus d’un concassage de minéraux spécifiques ou de schistes, grès, granit en décomposition. Selon le diamètre des pots, diamètres pouvant aller de 2 jusqu’à 10 mm ;
  • des déjections finement broyées de lombrics.

Ce même mélange, mais finement tamisé, est utilisé comme terre à semis.

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Le semis

Seule intervention sur les graines : leur désinfection par trempage dans de l’eau avec 3 à 5% d’eau de Javel. Aucune autre utilisation de produits divers et variés sur les graines elles-mêmes dans le but de réduire ou ramollir l’épaisseur de leur enveloppe. Avant mise en semis, les graines sont simplement conservées au réfrigérateur (bac en bas de porte). Les graines sont mises en semis au nombre de 5 à 6 maximum dans des pots plastique de 5 x 5 cm.

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Ces pots sont placés sous serre courant avril pour bénéficier des montées naturelles de température. Les pots dans lesquels aucune graine n’a germé sont conservés intacts au froid entre 5 et 10°C. Ces graines sont remises en condition de germination l’année suivante. En raison de leur pouvoir germinatif, il n’est pas rare de voir des graines de Sclerocactus germer une ou deux années plus tard.spinosior-3semaines

Sur la période de temps du semis, quatre règles à respecter :

1/ Déranger le moins possible les plantules. L’installation des plantules dans leur substrat dès leur germination est primordiale à assurer et à préserver. Pour que les plantules construisent un système de racines fort et vigoureux, il convient de ne pas les déranger au cours de leurs toutes premières années de culture. Une transplantation prématurée conduirait à leur affaiblissement et serait préjudiciable à leur croissance, voire à leur survie.pubispinus-2ans

2/ Maintenir les plantules dans leur boite à semis au minimum deux années, voire trois ou quatre années, et dans le substrat qui a vu germer les graines. Ce qui d’une part explique le fait de ne placer que 5 ou 6 graines dans chaque pot de 5x5cm. Et sous-entend d’autre part que le substrat dans lequel poussent les plantules soit capable dans la durée de subvenir à leurs besoins. D’où les deux principes suivants :

3/ Elaborer un substrat drainant qui ne soit pas trop en rupture avec celui de l’habitat. En d’autres termes, on cherche à s’adapter du mieux possible aux besoins notamment minéraux des plantes en apportant le plus grand soin à la composition du mélange qui va être utilisé pour les semis et leur culture.

4/ Faire que ce substrat soit suffisamment riche en nutriments sur quatre ans pour s’éviter une forte et systématique utilisation d’engrais de synthèse. La croissance des plantules et des très jeunes plantes doit s’inscrire dans la durée. C’est un point véritablement essentiel. Le non recours systématique à des engrais de synthèse est, quant à lui, un choix délibéré et personnel.parviflorus-5semaines

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